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La mémoire du dragon rouge

| Chantal Trembley | Livres lesbiens

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Elles sont belles, talentueuses, fusionnelles et ce depuis toujours. Mais une terrible maladie menace l’avenir du couple, une affection soudaine et incurable.
La mort arrive à grands pas…
Elles vont alors tout tenter pour rester ensemble. Tout, même l’impensable.
Un grimoire est trouvé, un pacte est passé. Mais peut-on réellement choisir son destin ? Quel est le véritable prix de l’amour éternel ?

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EXTRAIT

« Ce matin-là, Soledad s’octroyait quelques heures de plus à l’appartement pour profiter de sa chérie. Elle la rejoignit dans la salle de bain pendant qu’elle se préparait à aller au travail. Lorsqu’elle franchit le seuil de la pièce, elle découvrit une Mercedes médusée, debout, le regard vide plongé en direction de la vasque de porcelaine. Elle était à moitié habillée, portant un jean délavé taille basse, mais encore nue en haut. La pince à épiler posée sur l’émail blanc indiqua à Soledad qu’elle devait être en train de se faire les sourcils quand elle avait dû se stopper net, comme happée par elle ne savait quelle vision hypnotique. L’eau coulant doucement du robinet, Mercedes fixait son attention au fond de l’évier et ses bras tombaient le long de son corps de plus en plus maigre. On devinait que des fins biceps remplissaient jusque là cette

peau mate, mais désormais les muscles se faisaient rares, laissant la chair pendre au fur et à mesure des jours passés. Soledad fit quelques pas dans la pièce en direction de sa femme. En s’approchant, elle put soudain voir le reflet de Mercedes dans le miroir et constata avec horreur que son autre joue, celle qu’elle ne pouvait apercevoir depuis l’entrée, ruisselait de sang. De profil, Mercedes était déjà effrayante avec cet air absent, prostré dans le vide. Mais de face, elle avait la moitié du visage comme transpercé par un couteau. La vapeur d’eau chaude coulant du robinet chromé accentuait la dilatation des artères et augmentait le débit veineux : des gouttes pourpres venaient s’écraser sur son sein gauche désormais constellé de taches sombres. Dans un cri de panique, Soledad se rua sur sa femme et la saisit vivement par les épaules pour la retourner vers elle. Elle attrapa un linge sur le porte-serviette et fit compresse sur la joue ensanglantée. Mercedes ne paraissait pas souffrir, elle ne semblait même pas avoir perçu qu’elle s’était profondément poignardée le visage. La pince, saisie puis jetée avec dégoût par Soledad dans l’évier où tournoyait une eau chaude qui se rosa d’hémoglobine, gisait maintenant comme l’arme du crime qu’un tueur en série aurait abandonnée en fuyant précipitamment.

— Bébé, ça va ? Tu n’as pas trop mal ?

Mais Mercedes ne réagissait pas aux paroles affolées de sa femme. La serviette appuyée contre sa joue en charpie commençait à se teinter de rouge. Son regard partait toujours au loin, et, bien que face à Soledad, elle semblait la traverser pour aller se perdre dans un monde sans substance, loin de là, loin d’elles. Elle la secoua vivement avec la main restée accrochée à son épaule en criant « ho ! Mercedes ! parle-moi ! ». Un instant passa et elle revint un peu à elle. Portant les doigts à sa joue meurtrie, elle appréhenda la serviette et posa sur Sole un air interrogateur.

— Tu t’es blessée avec la pince à épiler, tu ne te rappelles pas ? Tu n’as rien senti ou quoi ?

Mais comme seule réponse, Soledad eu droit a un imbroglio de mots n’ayant aucun sens ni aucune structure, du moins pas dans la langue française. Elle fronça les sourcils, ne reconnaissant pas non plus d’espagnol dans ce charabia incompréhensible.

— Qu’est-ce que tu dis ? Mercedes, ça va ?

— Je n’ai pas fait gaffe...

Quelque peu rassurée, Soledad laissa le soin à sa femme de tenir le drap de bain appuyé sur sa joue. Elle ferma le robinet diffusant cette buée dans la pièce et la regarda à nouveau. Son attention était bien revenue, Mercedes avait retrouvé un air présent et réagissait enfin à la situation. Elle rangea la pince meurtrière dans le tiroir, puis, s’approchant du miroir au-dessus de l’évier, elle ôta délicatement la serviette devenue maintenant rouge-vermillon. L’espace de quelques secondes, juste avant que le liquide écarlate ne recommence à suinter, les deux femmes purent constater l’étendue des dégâts : plusieurs balafres courtes, mais plutôt profondes creusaient la joue de Mercedes. Les blessures partaient dans tous les sens, vers le haut, vers l’arête du nez, une se trouvait à quelques millimètres seulement de son œil gauche. »


L'amour, le destin et la passion qui compte défier tout et tous !
2 years ago
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J'ignore comment expliquer le phénomène de la plume juste, fluide, irrésistible et particulièrement envoûtante de Marcia Gary. L'auteure a peut-être trouvé elle-même le grimoire du dragon rouge et une formule démoniaque pour relever son talent des mots au niveau d'une pure sorcellerie. Car, j'ai été envoûtée, happée dès la première phrase jusqu'au dernier mot.
Au commencement, la sérénade d'amour entre Soledad et Mercedes nous fait plonger dans la beauté des sentiments uniques et éternels. On entre dans leurs peaux, on vit chaque frisson, désir, joie, pour enfin plonger dans la peur de la maladie, de la séparation imminente et inconcevable. Prêtes à tout pour défier le destin, y compris signer un pacte avec le diable, nos deux amoureuses retrouvent l'espoir. Mais pour combien de temps ? Cinquante ans, comme promis ? Nous l'espérons avec elles. Mais c'est mal connaître l'esprit tordu du démon. Et je peux vous dire que l'ange déchu dépeint par Marcia Gary est loin d'être aussi sympathique et beau que celui de la série "Lucifer".
Une histoire particulièrement troublante, notamment quand on croit en Dieu et son Ennemi. A lire absolument, même si par la suite, on a besoin du temps pour en sortir réellement.
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