Insoumises
Résumé
An 889, les Vikings terrorisent l’Europe par leurs raids incessants. Hethna, fille d’un chef viking, a pris les armes pour remplacer son mari mort au combat. Quoi de plus naturel, lors d’un raid en Irlande, d’enrichir son cheptel d’esclaves avec cette jeune novice farouche ?Aileen n’a que seize ans, mais elle est bien décidée à conquérir le cœur de la mère supérieure du monastère avant que son père ne la marie de force. Elle n’imagine pas un instant que sa vie va basculer en quelques minutes. Capturée par ceux qu’elle considère comme des sauvages, elle refuse de se soumettre à son destin d’esclave.Au rythme des attaques et de la vie de tous les jours dans le village viking, les deux femmes découvriront leur attirance au-delà de leur condition de maîtresse et d’esclave. Mais pourront-elles surmonter les jalousies et les préjugés pour conquérir leur bonheur ?
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Les tropes
- Romance historique
- Rencontre inattendue
- Les opposées s'attirent
- Romance interdite
- Rébellion
Extrait
An 889
Sans bruit, en faisant bien attention de ne pas être vue de la Mère supérieure, Aileen se glissa au dernier rang. Elle était essoufflée de sa course folle pour arriver à la chapelle avant la fin des vêpres. Mère Sirin ne serait pas contente si elle était une nouvelle fois en retard. Le regard curieux que lui jeta Ciar indiqua à Aileen que, plus tard, elle serait assaillie de questions et qu’elle aurait intérêt à y répondre. Arrangeant sa robe grise en désordre, Aileen se contenta d’un léger hochement de tête et d’un petit sourire pour accepter la requête muette de sa meilleure amie.
Après sept années dans le monastère, Aileen en connaissait tous les coins et recoins mais, récemment, elle avait découvert un passage qui lui permettait de sortir incognito à toute heure du jour et de la nuit. Elle ne se lassait pas de cette liberté redécouverte qui lui rappelait son enfance. Ce n’était pas qu’elle fût malheureuse ici, mais elle avait constamment l’impression d’être surveillée.
Se concentrant sur la fin de la messe, Aileen calma sa respiration et les battements désordonnés de son cœur. Ce qu’elle avait observé ce matin l’avait mise en retard. En sortant par le labyrinthe secret, avant même que le jour ne pointe le bout du nez, Aileen n’avait espéré que de profiter d’un magnifique lever de soleil par cette belle journée d’été qui s’annonçait. Tomber sur les ébats d’un couple, certainement illégitime, lui avait fait oublier le lever de soleil et l’heure. Rien que de penser à ce qu’elle avait vu faisait accélérer ses pulsations. Bien entendu, les filles parlaient entre elles de « la chose » dès que les sœurs avaient le dos tourné, mais aucune n’avait d’expérience pratique. Il se murmurait les récits les plus terribles ou les plus incongrus. Comme toutes les jeunes filles de dix-sept ans, Aileen n’était pas étrangère aux explorations solitaires, mais ce qu’elle avait vu et imaginer que c’est ce qui devrait arriver la nuit de ses noces, la plongeait dans la panique la plus profonde.
Ciar donna un léger coup de coude dans les côtes de son amie. Les chants venaient de se terminer et Aileen n’avait pas bougé d’un cheveu alors que toutes les sœurs se dirigeaient maintenant vers le réfectoire pour rompre le jeûne.
— Aïe ! Qu’est-ce qu’il te prend ?
Ciar indiqua la chapelle qui se vidait.
— Où étais-tu ? demanda-t-elle à voix basse en entraînant son amie avec elle.
Il fallait qu’elles se dépêchent de manger afin de ne pas manquer le début des leçons.
— Je te raconterai lorsque nous aurons plus de temps, répliqua Aileen, un sourire mystérieux sur le visage.
Ciar grimaça. Il n’y avait rien qu’elle détestât plus qu’un secret qu’elle ne connaissait pas. Plus de temps signifiait attendre jusqu’à la fin d’après-midi. À regret, elle hocha la tête. Le sourire d’Aileen s’amplifia.
Aileen n’avait pas encore pris sa place sur un des bancs que Sœur Grella s’approcha d’elle.
— La Mère supérieure veut te voir après le repas.
La contestation au bout des lèvres, Aileen se retint lorsqu’elle croisa le regard mécontent de la Mère supérieure assise deux tables plus loin.
— Bien, ma sœur.
Sœur Grella, n’ayant rien aperçu de l’échange silencieux, fut surprise. Aileen l’avait habituée à plus de résistance devant l’autorité. Qu’elle accepte sans contester signifiait indiscutablement qu’elle avait enfreint un règlement quelconque… un de plus. La sœur sourit in petto. Y avait-il un règlement que cette jeune fille indisciplinée n’avait pas enfreint ou contourné à un moment ou un autre ? Étrangement, Aileen se sortait plutôt bien des situations périlleuses dans lesquelles elle se fourrait. Tout le monde savait que la Mère supérieure avait un faible envers elle, mais les punitions restaient suffisamment sévères pour que cela ne transparaisse pas trop.
Aileen enfila les couloirs sombres à pas mesurés. Son cœur battait à tout rompre alors qu’elle se préparait mentalement à être réprimandée. Elle n’aimait pas décevoir la Mère supérieure, mais elle n’arrivait pas à s’empêcher d’agir impulsivement. Lorsqu’elle lisait un reproche dans les yeux bleu clair, le monde d’Aileen s’écroulait. Par contre, le moindre compliment l’envoyait sur un nuage pendant plusieurs heures.
Aileen avala plusieurs fois sa salive avant de frapper fermement sur la lourde porte qui fermait l’office de la Mère supérieure. Le « Entrez » sec qui lui répondit lui noua un peu plus l’estomac. Aileen redressa les épaules, puis poussa la porte qu’elle referma silencieusement derrière elle avant d’aller se placer debout devant le bureau.
Le visage impassible, Sirin observa Aileen. D’une enfant maigrelette et réservée au début, elle était devenue une belle jeune fille. L’impétuosité était la seule chose que les années dans le monastère n’avaient pas réussi à dompter. Combien de fois Aileen s’était-elle tenue exactement au même endroit, devant ce bureau, pour se faire réprimander ? Malgré tout, Sirin n’avait pas pu s’empêcher de s’attacher à cette gamine intelligente. Au fil du temps, surtout ces deux dernières années, ses sentiments étaient devenus plus profonds, moins purs. Elle avait consacré un grand nombre d’heures en prière à tenter de purger son âme de ce désir inavoué et inavouable. Quand avait-elle commencé à lire si bien en Aileen ? À constater les regards que lui jetait la jeune femme ? Heureusement, le message arrivé hier soir allait résoudre son problème. Un instant, son cœur se serra.
— J’ai reçu une missive en provenance de ton père, commença Sirin d’une voix calme.
De surprise, les sourcils d’Aileen se soulevèrent. Comment ? Elle n’était pas là à propos de ses sorties matinales ? Imperceptiblement, ses muscles crispés se relâchèrent. Le changement de posture n’échappa pas à Sirin qui sourit intérieurement. Quelle bêtise avait bien pu commettre Aileen ?
— Mon père ? questionna Aileen, incrédule.
Malgré toutes ses promesses, il n’était revenu la voir qu’une seule fois en sept ans. La dernière fois remontait à cinq ans et, bien qu’il lui écrive une fois par an, Aileen s’était détachée de celui qui signifiait tant pour elle dans son enfance.
— Oui. Il semblerait qu’il t’a trouvé un beau parti. Il mentionne qu’il viendra te chercher dans deux mois et sera accompagné de ton futur mari.
Malgré la peau mate d’Aileen, Sirin s’alerta de la voir devenir si pâle. Instinctivement, elle se leva, contourna le bureau pour tendre un bras secourable à la jeune fille qu’elle fit asseoir sur la chaise la plus proche. Le regard qui se fixa sur elle était désespéré. Jamais, Sirin n’avait vu tant de douleur sur le beau visage ovale d’Aileen, même à son arrivée parmi elles.
— Ce n’est pas possible, ma Mère. Je ne veux pas me marier.
Chaque seconde, Aileen devenait plus agitée. Elle repensa à ce qu’elle avait vu ce matin et frissonna de dégoût à l’idée qu’un homme puisse mettre son… sa…, elle n’osait pas nommer cette partie du corps masculin, en elle.
— Je suis certaine que ton père a choisi un jeune homme charmant.
Malgré ses propres doutes, Sirin tenta de rassurer Aileen. Elle avait vu tant de mariages où les époux étaient mal assortis que ce soit par l’âge ou par le caractère, qu’elle s’attendait à tout à chaque fois qu’une de ses pensionnaires les quittait. Mais imaginer Aileen avec un veuf ou un homme mûr la déprimait.
— Je veux rester ici, ma Mère. Je veux devenir nonne, jeta Aileen désespérée.
— C’est, bien sûr, une possibilité, mais tu ne peux pas t’engager sur le chemin de Dieu à la légère, ma fille. Tu dois bien réfléchir avant de prendre cette décision.
N’y tenant plus, Aileen se jeta dans les bras de la Mère supérieure et s’accrocha à elle comme un naufragé à une planche en bois. Entre deux sanglots, elle bafouilla :
— Je ne veux pas… vous quitter, ma Mère. Ne me forcez pas à vous quitter…
Sirin ne résista pas à tant de détresse et referma ses bras sur le dos d’Aileen. Posant sa joue sur les doux cheveux noirs, elle ferma les yeux afin de mieux savourer cet instant magique qui ne se reproduirait certainement jamais.
Calmant ses sanglots, Aileen commença à savourer l’embrassade protectrice. Elle inspira profondément pour inhaler l’odeur unique de la Mère supérieure. Un mélange d’encens de messe et d’un parfum plus subtil de rose effleura ses narines. Petit à petit, elle remarqua la pression des mains sur son dos, le lent va-et-vient de la joue contre ses cheveux. Surprise par la douce chaleur qui l’inondait, elle recula légèrement pour regarder la Mère supérieure. Celle-ci, perdue dans un monde interdit, mit plusieurs secondes à réaliser que l’objet de son désir l’observait. Embarrassée, Sirin rougit. Alors que ses bras tentaient de repousser la tentation, elle perçut les bras d’Aileen se resserrer sur son dos. Les douces lèvres qui effleurèrent sa joue provoquèrent un sanglot dans sa gorge nouée. Elle ferma les yeux de plaisir. Le baiser léger sur ses lèvres affola ses sens, mais lui fit reprendre contact avec la réalité. Brusquement, Sirin se recula, manquant presque de faire tomber par terre Aileen.
— Je vais contacter ton père pour lui faire part de ton souhait de rester parmi nous.
La voix de Sirin tremblait, tout son être lui hurlait qu’elle perdait la raison : conserver l’objet de son désir à ses côtés deviendrait vite une tentation diabolique. Afin de reprendre un peu de maîtrise, Sirin retourna s’asseoir derrière son bureau. Elle, qui avait la réputation de ne flancher devant rien, n’osait pas regarder Aileen dans les yeux.
— Ma Mère…, souffla Aileen, je… je vous aime.
La révélation surprit autant Sirin qu’Aileen. Le silence se fit assourdissant. Aileen attendait un geste, un regard, un mot, mais rien ne vint. Incapable de retenir son émotion plus longtemps, elle tourna les talons et s’enfuit en courant dans les couloirs.
— Aileen ! cria enfin Sirin en se levant.
Mais il était trop tard, Aileen était déjà loin. Il faudrait attendre qu’elle se calmât pour avoir une conversation avec elle. Au fond d’elle, Sirin savait qu’elle aussi aurait besoin de temps pour faire face à ce nouveau problème. Une journée de prière lui permettrait peut-être de remettre sous clé les sentiments qu’elle s’était toujours interdits.
Les larmes qui se formaient dans les yeux d’Aileen l’aveuglaient. Tout en continuant sa course, d’un geste rageur, elle les essuya. Elle ne savait pas consciemment où elle allait, la seule chose qu’elle voulait était d’être loin de l’objet de ses fantasmes. Jusqu’à aujourd’hui, Aileen avait juste imaginé un sourire, un geste d’affection et, même, dans ses rêves les plus fous, une embrassade. Mais jamais un baiser. Ralentissant sa course folle, elle effleura ses lèvres du bout des doigts. Le souvenir de la douceur des lèvres de Sirin la fit s’arrêter. Le souffle court, Aileen regarda autour d’elle. Sans surprise, elle reconnut le petit palier de la porte qui menait sur la terrasse haute du monastère. Pas étonnant qu’elle ait été à bout de souffle, elle avait monté les quatre étages de l’escalier en colimaçon en courant.
Aileen ouvrit la petite porte en bois et, se courbant, accéda à la terrasse. Là, elle alla s’asseoir dans l’angle caché entre les murs de créneaux qui entouraient la terrasse et le mur de la tourelle. Le front posé sur les genoux, Aileen laissa son imagination revivre encore et encore les bras de Sirin autour d’elle, son baiser. Elle ne voulait pas penser à sa révélation ou au silence de Sirin. Isolée sur son promontoire, Aileen ne se rendit pas compte du drame qui se jouait en contrebas. N’eut-elle pas entendu les cris puis la cloche, elle serait restée ignorante des événements qui allaient changer sa vie.
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Au départ, je dois avouer que la liste des personnes m’a surprise car elle est plutôt longue mais une fois la lecture commencée, je n’ai pas réussi à décrocher.
L’auteure nous plonge dans un univers très réaliste dans les années 800, l’ère des vikings, leur culture, les raids à répétitions, leurs modes de vie et leurs traditions remis à l’ordre du jour qui nous plonge dans une immersion sans condition.
Le terme « insoumises » qu’utilise Kadyan pour son roman prend tout son sens lorsque nous apprenons à découvrir les personnages clés. Un réel besoin de liberté pour certaines femmes au caractère fort et bien trempé. Mais également un combat pour l’égalité et les droits des femmes.
Hethna, fille d’un chef viking qui a décidé de prendre les armes et de partir pour venger son mari mort au combat. Elle n’imagine pas que lors d’un raid en Irlande, son butin va réellement chambouler sa vie et celle du camp. J’ai aimé ce personnage, une belle femme, mère de 2 enfants, déterminée, têtue et réfléchie qui sait se faire respecter.
Aileen, un personnage clé du récit qui est très bien amenée avec son caractère dure et son regard plus que perçant. Une jeune femme indomptable, avec une force de caractère immesurable qui malgré sa nouvelle vie (capturée par des « sauvages » selon elle), parviendra avec son statut d’esclave, à se faire respecter.
Ces deux héroïnes, découvriront au fur et à mesure leurs ressemblances. Que ce soit au niveau de leur caractère, leur intelligence et courage mais également leur attirance mutuelle. Malheureusement, les compromis et les problèmes de hiérarchie maîtresse / esclaves vont s’opposer à leur relation intime. J’ai beaucoup apprécié leur relation au sein de leur cohabitation. Cela nous plonge davantage dans l’ancien temps et l’univers dans lequel les personnages évoluent.
Un grand merci pour cette auteure hors norme. Merci pour cette échappatoire et cette aventure historique très plaisante et attachante. Liée de tensions, de rebondissements et de passions.
Ce récit est… Très dense, pour commencer, ainsi que très complet et très finement maitrisé. Tout est présent (que ce soit la culture Viking, les raids de ces derniers ou bien encore l’immersion dans leur quotidien, leurs valeurs, leur mode de vie, leur hiérarchie et leurs règles… Leurs buts, aussi), mais surtout, tout est à sa place. Rien n’est jamais trop développé ou pas assez, rien n’est jamais trop forcé ni trop en retrait, les personnages ont un développement très naturel et très humain (autant dans leurs aspects positifs que dans d’autres beaucoup plus sombres), et on embarque très facilement dans cette grande aventure Scandinave qui nous réserve des péripéties haletantes et des joutes verbales surprenantes.
Le personnage d’Aileen, en particulier, est extrêmement bien écrit et développé (ils le sont tous, comme dans chaque roman de Kadyan d’ailleurs, mais Aileen m’a laissé un souvenir plus vivace encore). Le terme « Insoumises » représente d’ailleurs autant Hethna que notre jeune rebelle d’héroïne, mais je dois dire que même si leur personnalité fonctionne chacune très bien (autant individuellement qu’ensemble), la place d’Aileen au sein de cette nouvelle culture qu’elle ne connait pas, et sa façon d’y réagir si farouchement, augmente son piquant et son côté très attachant. Très tôt dans le récit, on a envie qu’elle s’en sorte, qu’elle trouve (enfin) sa place et, à la clé, son bonheur et sa liberté tant recherchés et convoités. Et lorsque l’on y vient, enfin… Wow ! C’était génial ! Saisissant, émouvant et génial !
Un immense merci à vous, Madame Kadyan, pour cette aventure historique que j’ai pris énormément de plaisir à lire ! J’ai hâte, plus que hâte même, de me plonger dans d’autres de vos écrits ! Au plaisir.
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