"Rhapsodies pour un amour" - nouvelle romance lesbienne de Kadyan
Résumé
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Les tropes
- Romance historique
- Romance en période de guerre
- Survivantes
- Amour à long terme
- Unique et véritable amour
Extrait
Londres, 31 mars 1938
Je marchais dans la rue en cherchant l’adresse que ma professeure de musique m’avait donnée la veille au soir. Si seulement je pouvais obtenir un petit contrat, je pourrais quitter la maison de mes parents. Même si j’avais été déçue auparavant, j’avais bon espoir. Ma professeure était confiante. Ce soir-là, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que c’était ma chance. Il le fallait. J’étais tellement en colère contre mon père. Il m’avait poussée dans une impasse et je ne pouvais que me révolter face à cette injustice. Je n’arrivais pas à lui obéir et à renoncer à ma passion. J’avais pourtant tout accepté jusqu’à présent.
Suivant les désirs de ma famille, j’avais étudié pour être infirmière comme ma mère, comme ma sœur. Il était médecin et aimait la médecine, bien sûr. Mais, pour moi, ce n’était pas ma vocation. Quand, deux mois auparavant, j’avais mentionné que j’aimerais devenir chanteuse, mon père m’avait fixée avec un froncement de sourcils caractéristique. Il n’accepterait pas mon projet. Ma mère avait secoué la tête, mais n’avait pas dit un mot, nous laissant seuls dans son bureau.
— J’espère que tu n’es pas sérieuse, ma chère fille.
— Père, comme tu le sais déjà, j’ai étudié le piano et le chant ces dernières années…
Il m’interrompit de sa voix de stentor.
— Pour ton éducation. Une jeune femme digne de ce nom doit connaître la musique.
— Oui, mais ce que j’aime vraiment, c’est chanter et je suis douée pour ça. Vous m’avez entendue plusieurs fois et vous me l’avez dit vous-même.
Il eut l’air un peu gêné de ce rappel.
— Tu chanteras donc pour ton futur mari qui appréciera ton talent. Je suppose que tu n’es pas assez occupée avec tes études pour encore penser à ces broutilles. Il est peut-être temps que nous nous penchions sérieusement sur cette histoire de mariage.
Mon cœur se serra. Je voulais lui parler de la recherche d’un contrat pour chanter dans un cabaret à Londres et la réponse de mon père était un mari. Au fond de mon âme, je savais que nous ne serions jamais d’accord sur le sujet. La façon dont il me regardait avec ses lèvres pincées, sa mâchoire serrée, je reconnaissais les signes. Sa colère grandissait. J’avais franchi cette ligne une fois et je ne le referais plus jamais. Après toutes ces années, je pouvais encore ressentir la douleur dans mon dos.
— Tu dois avoir raison, père. Peut-être que je m’ennuie dans mes études, murmurai-je, pas vraiment fière de moi.
Des larmes remplirent mes yeux, mais je les contins. Je ne voulais pas pleurer devant lui. Il venait de briser mes rêves d’une seule phrase, mais il ne devait pas le savoir, ni aujourd’hui ni demain ni jamais. Mon cœur s’endurcit d’un coup. Je serrai presque les poings, mais me retins.
— Le dîner est prêt, dit ma mère depuis la salle à manger.
Mon père se leva et m’abandonna seule dans son bureau. J’entendis les pas de ma sœur, Dorothy, descendre l’escalier, me laissant moins d’une minute pour avaler mes émotions. Qu’allais-je faire ? Je me giflai presque. D’abord aller manger et agir comme si ces dernières minutes n’avaient jamais existé, puis réfléchir.
Le repas fut une affaire tranquille. J’écoutais d’une oreille distraite les discussions. Heureusement, Dorothy, de deux ans ma cadette, était un moulin à paroles et, comme elle venait de commencer l’école d’infirmières, elle avait beaucoup de choses à demander à notre père. Cela l’occupait et, à mesure que le dîner avançait, il se détendit enfin, s’autorisant même à sourire. Cependant, ma mère était une tout autre histoire. Je pouvais sentir ses yeux sur moi à chaque vide dans la conversation. Elle n’allait pas abandonner facilement.
— Evelyn, quand vas-tu obtenir ton diplôme d’infirmière ?
Pourquoi le demandait-elle ? Elle le savait parfaitement. En fille obéissante, je répondis :
— En mai prochain, mère. Dans deux mois.
— Très bien. Peut-être pourrions-nous organiser une fête en juin avec des collègues de ton père. Je suis certaine qu’il connaît quelques jeunes médecins célibataires qui seraient de bons partis pour toi. Tu pourrais travailler à l’hôpital pendant un an jusqu’à ton mariage à l’été suivant. J’ai toujours adoré les mariages d’été.
J’essayais de ne pas réagir ; cependant, au fond de moi, je mourrais un peu plus. Chaque phrase enfonçait un poignard dans mon cœur.
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Merci de l'avoir écrit. Merci de le diffuser.
Je vous souhaite autant de joie à la lecture que j'en ai eue.