EXTRAIT
Les avis sur Suzanne Lacombe étaient partagés, c’est le moins qu’on puisse dire. Mélanie, prenant fait et cause pour Erika, la détestait. Suzanne, sans la moindre nuance, la trouvait extraordinaire. « Elle est dure, égoïste, toujours sûre d’avoir raison. » disait Mélanie. « Pas du tout. Ce que tu appelles dureté n’est rien d’autre que de la lucidité. Elle ne se passe rien.— Elle ne passe rien à personne !— Pas d’accord. Elle tente de comprendre les autres et elle ne se donne jamais le beau rôle. D’ailleurs quand tu n’avais lu que le premier cahier tu disais que tu l’aimais bien. »Mélanie se tut, regarda Anne en espérant qu’il viendrait à sa rescousse, mais il était lui- même trop hésitant pour donner tout de suite son opinion. « D’accord, dit Mélanie, je l’ai dit. Mais Erika...— Tu trouves que c’est joli ce qu’Erika lui a fait à Dieppe ? “J’en aime une autre... je t’ai assez vue...”— Elle a regretté. — Et alors? — Ta Suzanne se console vite. Le soir même elle est dans les bras d’une autre ! — Ma Suzanne, comme tu dis, est un personnage qui serre les dents au lieu de pleurnicher. »Anne intervint : « Ce n’est pas un personnage, c’est une vraie femme. — Voilà exactement ce qu’il fallait dire. Tu as raison. — Erika aussi est une vraie femme. — Qui a dit le contraire ? Et entre les vraies femmes, les choses ne peuvent pas se passer aussi schématiquement qu’entre les personnages. Maman, qui soit dit au passage est aussi une vraie femme, n’a pas toujours le beau rôle dans l’histoire. Tu es d’accord, Anne ?
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