A quoi s'attendre quand on se publie en maison d'édition ?
Avoir des attentes quand on se publie, c'est légitime et tout à fait normal. L'édition est une collaboration. L'auteur ne devient pas l'obligé de la ME et la ME ne devient pas l'obligée de l'auteur.
Qui dit publication en ME dit aussi contrat, et qui dit contrat, dit devoirs et droits des devoirs. Si les droits et devoirs éditoriaux sont très explicités contractuellement, la plupart des ME n'évoquent pas les droits et devoirs commerciaux. Pourquoi ? Parce qu'il est très compliqué de déterminer une stratégie marketing dans un contrat puisque les ME doivent adapter leurs stratégies aux mouvances permanentes du marché visé et aux sujets traités par les auteurs.
Aussi, selon la taille de la ME, les possibilités collaboratives éditoriales et commerciales sont aussi différentes. Une petite maison de niche n'a pas les mêmes moyens financiers et humains qu'une grande maison (entendez par là une maison d'ampleur dont les titres sont distribués dans toutes les librairies du pays.
La plupart des ME appliquent d'ailleurs les mêmes process commerciaux : pré-annonce - annonce - promotions en cours d'années selon les temps forts.
Et la grande question que se posent les auteurs c'est justement : à quoi doivent-ils s'attendre une fois que leur livre est prêt à être lancé sur le marché des lecteurs ?
De la satisfaction pour certains, aux désillusions d'autres, voici un court article qui répondra à cette question, suivi d'une interview de trois auteurs publiés en maison d'édition francophone, moyennes et grandes.
Sommaire
1. Définition : C'est quoi une maison d'édition ?
Une maison d'édition est une entreprise spécialisée dans la sélection, la production et la diffusion de livres. Elle accompagne les auteurs dans le processus de publication, en s'occupant de l'édition du manuscrit, de la mise en page, de la couverture, de l'impression et de la distribution. En plus de cela, une maison d'édition prend en charge la promotion des ouvrages, permettant aux auteurs de toucher un large public, tout en gérant les aspects légaux et commerciaux liés à la publication.
2. Qui dit grandes attentes, dit souvent grandes déceptions
Je vois régulièrement des auteurs de petites et moyennes maisons se plaindre que leurs éditeurs ne font pas leur travail. Aucun conseil sur le fond et la forme, correction bâclée, pas de relecture, aucun conseil de réécriture... et quand ce ne sont pas les travaux éditoriaux qui sont critiqués, c'est le travail de promotion.
Après tout, quand des auteurs décident de se publier chez un éditeur, c'est pour s'épargner tout le travail de promotion. Et c'est bien normal ! La plupart des auteurs ont un travail à temps plein, une vie famille de chargée, et si l'écriture est leur passion, ils attendent d'une société éditoriale un minimum de prise en charge.
Seul hic, la plupart des éditeurs, une fois le travail éditorial terminé (quand il est bien fait), ont à peu près le même fonctionnement promotionnel expliqué plus haut :
- Prévenir de la publication de la nouveauté sur leurs réseaux (couverture, date de sortie, résumé ou autres...),
- Annoncer la nouveauté le jour J,
- Refaire une promotion ponctuelle de l'ouvrage 6, 12 ou 24 mois après la date de sortie à travers des offres promotionnelles (les formes sont nombreuses, elles pourront faire l'oeuvre d'un autre article)
Nouveau HIC, cette stratégie semble soit trop basique pour la plupart des auteurs qui, pour une minorité, attendent beaucoup plus d'un éditeur ; soit insuffisante, pour ceux qui ont a minima conscience qu'ils arrivent de nulle part et qu'ils n'auront pas la même visibilité qu'un MUSSO.
Et comme vous vous en doutez, tous les auteurs souhaitent bénéficier de plus de promotion, plus de visibilité, pour bien évidemment faire plus de ventes et obtenir la reconnaissance tant désirée pour le petit bijou qu'ils ont écrit.
3. Faut-il débuter par une maison d'édition pour jeunes auteurs ?
A condition de bien la choisir, peu importe votre âge, débuter l'édition en passant par une maison d'édition peut être avantageux pour les jeunes auteurs, car elle offre un accompagnement professionnel, une visibilité accrue et une expertise en promotion.
4. L'idéal de tous les auteurs
On entend (ou lit) que beaucoup d'auteurs souhaitent ou espèrent être "pris par la main" par leur éditeur après la publication de leur roman. Malheureusement, au risque de vous décevoir, sachez qu'aucun éditeur ne "prend par la main".
Un éditeur accompagne, conseille, mais il ne fait pas un accompagnement personnel hebdomadaire avec la totalité de ses auteurs comme le ferait un coach de vie, un coach sportif, un coach littéraire ou un agent avec un client. Ce n'est pas pour rien qu'un marché parallèle s'est développé pour offrir ce type de services qui, pour l'avoir testé il y a 17 ans, ne sert strictement à rien et coûte une fortune. Ces "agents" improvisés vous promettent d'entrer dans des grandes maisons, d'obtenir des articles dans les médias, et tout un tas d'autres avantages... moyennant finance ! et à condition que votre roman soit génial. Parce que oui, ils doivent le lire et ne peuvent vous garantir un résultat même s'ils vous facturent.
Bien entendu, tous les auteurs aimeraient :
- Qu'on les débriefe tous les lundis pour faire un point vente et promotion,
- Que leurs romans soient visibles dans les grands médias littéraires et culturels,
- Qu'on leur offre des interviews,
- Que leur ME les accueille dans tous les salons thématiques,
- Qu'on leur paye des billets à l'autre bout du pays pour partir dédicacer leurs livres.
5. Ce qu'ils ignorent, c'est que...
- leur idéal est aussi celui des éditeurs,
- leur éditeur aimerait vendre des dizaines de centaines de milliers d'exemplaires de leurs livres pour qu'ils obtiennent la reconnaissance souhaitée qui rayonnerait donc sur leur catalogue,
- l'éditeur n'a pas pour mission ou objectif de se casser la noisette à payer des frais d'édition sans, au minimum, les amortir,
- si l'éditeur souffre de difficultés à publier un auteur inconnu, il sera davantage dépité de recevoir des mails de refus quand il s'efforce de contacter des médias qui (quand ils répondent) ne souhaitent pas plus lire un auteur inconnu. Et forcément, le média a déjà une pile d'auteurs connus à lire et cumule bien souvent des partenariats juteux avec de grandes maisons d'édition,
- un éditeur ne souhaite pas la mort des livres qu'ils publient,
- Un livre est un produit qu'il veut vendre pour gagner sa vie et payer ses factures,
- le marché change perpétuellement et il suffit de voir l'explosion de l'auto-édition et les marchés comme Amazon ou Kobo submergés de livres non travaillés;
- l'éditeur est lui aussi pénalisé par toutes ces contraintes onéreuses puisque : Pas de promotion = pas de visibilité = pas de ventes = mort de la société d'édition = mort tout court
- La durée de vie d'un nouveau roman, surtout d'un auteur inconnu, est d'environ 3 mois, quelle que soit la niche,
- Publier un livre c'est investir de l'argent,
"Selon l'Insee, le nombre d'auteurs a bondi de 60% entre 1991 et 2011. Mais ces écrivains sont de plus en plus pauvres. En 2008, parmi les 53.605 écrivains assujettis à l'Agessa (Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs), seuls 2.390 ont déclaré un revenu supérieur à 700 euros par mois..."
Titres édités
- 1997: 35 077
- 2000: 39 442
- 2005: 53 462
- 2010: 63 052
- 2014: 68 182
(Source : Livres Hebdo)
6. Bon à savoir
Les médias qui offrent des publicités aux éditeurs et auteurs sont :
- soit des amis
- soit payés pour le faire (les médias vivent de publicités payantes)
- des inconnus super sympas, mais ils ne le feront pas tous les mois pour chaque sortie
"Il y a énormément de livres qui se vendent à moins de 500 exemplaires, tous éditeurs confondus, de Gallimard à Grasset en passant par P.O.L. Et dans ces livres-là, beaucoup ne dépassent pas les 250 exemplaires vendus. En fait, ce n'est pas rare qu'un livre se vende à moins de 100 exemplaires", expliquaient récemment Jean-Hubert Gailliot et Sylvie Martigny, à la tête de la petite maison d'édition Tristram." (Source : BFMTV / Économie / Entreprise)
Pour peu que le roman soit mal noté sur les réseaux de ventes, c'est la mort assurée de l'ouvrage et donc une perte significative des ventes pour l'éditeur qui parfois ne se rembourse même pas de son investissement.
7. Place à l'interview
Découvrez ci-dessous l'interview de 3 autrices publiées dans la niche de romance MF en moyennes et grandes maisons d'édition.
Note : Les autrices interrogées ont préféré rester anonymes. Les noms des ME moyennes citées ont été supprimés.
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler de votre parcours littéraire ?
Anonyme 1 : Bonjour. Je suis auteure depuis 2016. Au départ, j'ai signé dans une toute petite maison d'édition spécialisée en romance. Depuis, j'ai été éditée ailleurs dans deux maisons un peu plus importantes, où je me sens à ma place.
Anonyme 2 : Je suis issue du monde salarié de l'édition, j'étais auparavant maquettiste en entreprise. J'ai pu devenir auteure à temps complet et vivre de ma plume au fil du temps et grâce à quelques concours de circonstances heureux. Je suis publiée depuis plus de 5 ans et j'ai à mon actif une quinzaine de romans. Huit nouveaux titres sont prévus en 2023. j'illustre aussi à mes heures perdues. Je suis aussi éditée chez ME1 et ME2 qui sont des maisons de moyenne taille. Mon parcours m'a amenée à côtoyer différentes ME comme ME3 ou ME4 également. J'ai aussi eu affaire a un très petit éditeur avec lequel ça ne s'est pas bien passé puisque le texte n'est jamais sorti.
Anonyme 3 : Je suis autrice de 12 romans chez ME1, ME2 et chez Harper Collins, Collection &H depuis 2020. J'ai quitté l'autoédition définitivement pour rester en ME.
En signant dans ces maisons, aviez-vous des attentes spécifiques ?
Anonyme 1 : Étant donné que j'ai eu une mauvaise expérience avec la première, mes exigences étaient surtout sur l'honnêteté. Je cherchais une ME qui payait mes droits et qui respectait mon travail d'auteur. Le reste, c'était que du plus.
Anonyme 2 : Le fonctionnement des grandes ME est différent de celui des petites et moyennes. En entrant chez Hugo, j'ai découvert ces différences et les multiples interlocuteurs là où d'ordinaire en petite et moyenne ME, on a une ou deux personnes tout au plus. j'y ai vu un gage d'efficacité, et cela a conditionné mes attentes pour la sortie des romans. Ce qui m'a amenée, en arrivant ensuite chez Harlequin, à avoir des attentes plus précises en effet, notamment en termes de distribution. Je n'ai pas ce type d'attente pour une ME moyenne ou petite, car les moyens mis en oeuvre ne sont pas les mêmes.
Anonyme 3 : Pas le moins du monde quand j'ai signé chez ME1 et ME2. Des amies autrices m'avaient expliqué leur fonctionnement et en tant que lectrice j'étais déjà abonnée à leur page.
Comment se déroule dans ces ME la publication de vos ouvrages dès leur commercialisation ?
Anonyme 1 : Je n'ai pas eu à me plaindre. J'ai eu un suivi, une aide pour la communication et de bons retours des lecteurs. La ME a fait plusieurs posts sur les réseaux. Un qui annonce les précommandes jours avant la sortie. Un pour la sortie. Ensuite, j'ai pu avoir des stories, mon livre annoncé dans la newsletter. La community manager avait également envoyer mon livre en service presse et relaye certains retours. Par contre, je n'ai pas su à combien de blogueurs il avait été envoyé.
Anonyme 2 : Le processus est classique, je dirais. Le texte est soumis et accepté par les éditeurs, s'ensuit un travail collaboratif sur le texte, les améliorations si besoin, puis la validation de la correction orthographique, la mise en page. Une date est définie et l'éditeur effectue une communication en vue du lancement du livre : teaser, reveal cover, extrait et envoi à des chroniqueurs. La sortie est souvent synonyme de mise en commercialisation dans des librairies ou centres culturels ou rayons livres de supermarchés. Sur cette dernière partie, je n'interviens nulle part, car l'éditeur possède son réseau de distribution et le gère seul. il peut arriver qu'on planifie des séances de dédicaces dans des centres culturels autour de la sortie. La grande différence avec les autres ME de taille plus modeste réside surtout dans la distribution et la communication. Les grands éditeurs ont beaucoup de livres en sortie, là où les moyennes ME parfois n'en ont que deux ou trois par mois. À la différence des grandes ME, les moyennes et petites mettent facilement l'accent sur la communication numérique et les réseaux : reveal cover, trailer sont plus fréquents chez eux qu'en grande ME. Mais la distribution se fait via le Net quasi systématiquement, et non par un réseau de libraires ou similaire.
Anonyme 3 : Je dirai que c'est assez classique. Que ce soit chez ME1, ME2 ou chez Harper, les trois ont annoncé ma couverture et ensuite la sortie des mes romans sur Facebook, Instagram et les autres réseaux sociaux. J'ai fait moi même un booktrailer chez ME1 mais pas pour les autres. Chez Harper j'ai aussi participé à un salon, mais contrairement à leurs auteurs plus connus comme David Lagercrantz je n'ai pas bénéficié d'une grande pancarte promotionnelle sur les bus.
Suite à ces stratégies de lancement, y'a-t-il eu, les mois suivants, d'autres accompagnements commerciaux et promotionnels ?
Anonyme 1 : Dans ma 1re ME, les accompagnements se font également à la sortie du papier qui vient beaucoup plus tard. Les sorties librairies sont longues à mettre en place. Dans ma 2e ME, ils mettent en place des promotions sur le prix du numérique.
Anonyme 2 : Cela arrive régulièrement durant la première année de lancement. Cela dit, c'est un point commun à toutes les ME, quelle que soit leur taille. Typiquement, l'une de mes ME a profité du mois de l'imaginaire (octobre donc) pour mettre en avant le tome 1 de ma trilogie SF à prix promotionnel. Ce qui inclut d'en parler sur leurs réseaux et de relancer un peu de communication autour du titre. J'ai également vu passer une publicité sponsorisée de Hugo roman pour l'un de mes romans, peut-être 6 ou 12 mois après la sortie du roman. j'ai aussi vu de la même manière (publicité sponsorisée) pour la collection où mon titre est référencé chez HQN, une présentation en une image de différents romans de la collection, parmi laquelle mon roman.
Anonyme 3 : Oui, mes ME font toutes des remises en avant, par exemple lors des Kindle Deals d'Amazon, ou ce genre promotions en partenariat avec les sites de ventes d'ebooks. Mon roman de Noël profite aussi chaque année d'une remise en avant et d'un prix promo qui relance les ventes.
Participez-vous à la mise en place de ces promotions ou sont-elles lancées indépendamment par la ME en cours d'années et à sa discrétion ?
Anonyme 1 : Nous ne sommes pas consultés pour les promos sur les prix. Ils nous annoncent la période un peu en avance pour qu'on prépare nos futures publications.
Anonyme 2 : Je n'y participe pas en amont. Je suis souvent prévenue de l'existence de ces promos et je les relaye auprès de mon lectorat.
Anonyme 3 : Oui et non, parfois on me consulte si la ME a besoin de précision sur un contenu ou souhaite recevoir un extrait particulier, mais en règle générale c'est la ME qui gère les promotions.
Dans un monde idéal, qu'attendriez-vous de vos éditeurs actuels ?
Anonyme 1 : Dans un monde idéal ? Ça n'existe pas, mais je dirais des pubs à plus grandes échelles. (magazines, télé...) Peut-être une publication papier plus rapide, mais ce n'est pas mon éditeur qui est en cause sur ces points.
Anonyme 2 : Qu'ils soutiennent et fassent en sorte que mon livre ait une visibilité efficace. Globalement : publicité, rappels réguliers, diffusion d'extraits, promotions flash pourquoi pas... bref, tout ce qui peut permettre que le lectorat soit informé de l'existence du titre et soit tenté de le découvrir. En amont de toute diffusion et commercialisation, un travail éditorial me semble indispensable. j’ai hélas pu constater que ce n'est pas toujours le cas et qu'il arrive que des éditeurs passent directement à l'étape correction sans relire ni proposer de travailler le texte. l'auteur peut être le meilleur du monde, un regard externe est toujours nécessaire à mon sens, car une erreur, une inadvertance, est vite arrivée.
Anonyme 3 : Si je devais voir grand ou très grand, j'aimerais bien sûr bénéficier du même genre de publicité que les grands auteurs qu'on trouve en tête de gondole. J'aimerais aussi que mes livres soient traduits à l'international et qu'on m'annonce qu'ils seront adaptés en film... c'est beau de rêver, mais je ne me fais aucune illusion non plus. Si ça arrive tant mieux, si ça n'arrive pas, ça ne m'empêchera pas de continuer à écrire.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes auteurs avant de signer un contrat dans une maison d'édition (quelle que soit sa taille) ?
Anonyme 1 : De se RENSEIGNER. De regarder les ouvrages déjà publiés par cette ME, de les lire et de voir si le travail éditorial est bon. Ensuite, de communiquer avec les auteurs pour leur poser des questions. Et surtout de lister ses attentes pour en parler avec la ME avant signature et avec les auteurs.
Anonyme 2 : Prendre le temps de vérifier le contrat d’édition et consulter site et réseaux sociaux de l'éditeur. La frontière peut être facilement floue entre un éditeur correct et un éditeur à compte d'auteur par exemple. Vérifier la conformité du contrat en comparant avec les contrats types que l'on peut trouver par exemple à la SGDL (Société des gens de lettres) et discuter avec l'éditeur de son plan de lancement (dates de sorties, communication, etc). Bref, se renseigner et ne pas se précipiter. Et surtout, si c'est un compte d'éditeur que l'on vise la publication, ne jamais verser quoi que ce soit.
Anonyme 3 : De faire très attention aux Maisons à compte d'auteur. J'ai reçu beaucoup d'avis positifs sur mes romans de ces maisons qui m'offraient leur publication contre 1500/2500€ voire plus. Il faut bien lire les contrats et s'assurer que la ME ne demande pas de verser un centime. Ensuite, de prendre le temps d'observer le fonctionnement de la ME qui nous intéresse et de discuter avec leurs auteurs sur la qualité de l'édition, la communication, les délais et l'accompagnement par les différents interlocuteurs de la maison.