Lux Tenebris - tome 2
EXTRAIT
D’épais nuages cachaient la lune et les étoiles. Un maléfice sombre et très ancien donnait corps aux éléments. L’air glacial n’avait rien de naturel. Tel un gardien implacable, il fondait sur les âmes ayant eu le malheur de se perdre dans les plaines ensablées de Kordùne. Région maudite depuis des siècles, l’immense désert s’étendait au nord-est de Vahusendov. Presque rien ne pouvait subsister sur ce sable sinistre. La journée, le soleil écrasant brûlait tout sur son passage alors qu'à la nuit tombée, un froid polaire s’abattait brutalement. Le sol, autrefois fertile, n’était plus qu’un tombeau à ciel ouvert. Personne ne se souvenait de la jungle luxuriante et de ses tribus héroïques. Tout comme les dunes avaient enfoui leur civilisation, le temps avait annihilé jusqu’à leurs existences. Aucun être vivant ne se risquait sur ces terres désolées. Pas de sa propre volonté.
Pourtant, depuis plusieurs lunes, une activité inquiétante troublait le silence maudit du désert. Un fouet claqua dans la nuit sinistre. Les geôliers braquaient leurs lampes torches sur des esclaves épuisés. Dans la lumière blafarde se dessinaient d’étranges silhouettes bipèdes. Recouverts d’une fourrure dense, leurs corps se dressaient sur leurs pattes arrière. Ils ressemblaient plus à des félins qu’aux autres peuples de Vahusendov. Suivant les ordres brutaux des gardes chaudement vêtus, les créatures creusaient profondément dans le sable. Par endroits, les pierres d’un édifice archaïque commençaient à apparaître.
Des cris firent sursauter l’une des esclaves. Les chaînes à ses poignets tintèrent. Son sang vampire ne lui fut d’aucune aide contre la bourrasque glaciale. La morsure violente du froid la fit gémir de douleur. Avec un soupir, elle se recroquevilla. Sa peau blanche parsemée de cicatrices chercha la chaleur des corps près d’elle. Tout comme elle, ils grelottaient dans la cage. Leur convoi d’esclaves était arrivé la veille sur le site. Ce lieu la terrifiait, mais ce n’était rien comparé à l’épouvante que lui inspirait ses nouveaux maîtres. Son dernier propriétaire avait fini par se lasser de ses misérables tentatives de fuite et l’avait vendue à une secte infâme.
Ginie frémit en apercevant deux silhouettes obscures traverser le campement. La lueur du feu donnait à leur démarche un rythme malsain. Leur cape frôlait le sol comme s’ils flottaient. La brûlure, qui recouvrait la moitié supérieure de leur visage, brilla lorsqu’ils passèrent près des flammes. Bien qu’aveugles, ils se déplaçaient sans la moindre gêne. Cette fois, ce fut la panique qui fit frissonner son corps transi. Le vide du désespoir prit possession de son âme.
Lorsque les démons arrivèrent près du contremaître, celui-ci désigna le trou comme s’il s’attendait à ce qu’ils puissent le voir. Un sourire répugnant déforma leurs traits torturés. Ils l’avaient enfin trouvé.
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