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Pourquoi refuser de publier son manuscrit après un refus chez un éditeur ?

| Kyrian Malone | Les conseils d'écriture

Pourquoi refuser de publier son manuscrit après un refus chez un éditeur ?

J'écris aujourd'hui cet article non pas en tant qu'écrivaine ou éditrice, mais en tant qu'autrice qui a récemment fait face à la dure réalité du refus éditorial. Avec plusieurs œuvres publiées à mon actif, je pensais avoir dépassé le stade des refus et des portes fermées. Pourtant, la vie, dans sa manière d'être toujours imprévisible, m'a rappelé que l'échec est une partie intégrante du parcours de chaque créateur et s'avère même indispensable à la remise en question de notre processus créatif.

Sommaire

1. Mise en situation

Je dois avouer que ce manuscrit refusé n'était pas pour moi une œuvre de cœur - comme tant d'autres - mais un projet plutôt féministe sur lequel j'avais versé temps et frustrations pour taire un certain ras-le-bol du système social et des abus du communautarisme. Lorsque les premiers avis sont arrivés, il y avait du bon et du moins bon, mais je n'étais pas choquée outre mesure. Pourquoi ? Parce que je "sens" quand un de mes textes est bon, moyen, passable, excellent, ou mauvais. Disons que pour ce dernier, je n'étais pas catégorique (les avis ne l'étaient pas non plus d'ailleurs). Dans les semaines qui ont suivi, j'ai retravaillé mon roman sur chaque point expliqué, ajoutant environ 16.000 mots de contenu... Et pourtant, le résultat de la deuxième soumission à trois autres membres du comité fut pratiquement le même...

J'ai donc été confrontée à un dilemme : devais-je persévérer, retravailler mon texte pour une troisième soumission, l'auto-publier comme à mon habitude ? Ou devais-je accepter ce refus comme un signe qu'il était temps de laisser ce manuscrit et ses idées de côté ? C'était une période de réflexion importante et c'est ici le but de l'article. De nombreux auteurs, qu'ils soient novices ou expérimentés, se retrouvent à la croisée des chemins après un refus et je souhaite vous expliquer pourquoi il est parfois préférable de lâcher prise sur un texte, de l'abandonner, et de se concentrer sur d'autres projets.

2. Impact sur la réputation

Soyez-en sûrs ! Publier un ouvrage qui n'est pas tout à fait prêt jettera une ombre sur votre crédibilité en tant qu'artiste/auteur. Les lecteurs, les critiques et nos pairs remettront en question notre discernement et notre propre engagement envers la qualité de notre travail. Et s'ils n'ont plus confiance en notre plume, que feront-ils ? Ils ne liront plus !

A l'ère où la concurrence est rude, il faut faire des choix et même si cela peut paraitre fou, choisir de ne pas publier un roman jugé moyen est la meilleure décision à prendre.

C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai supprimé de mon site plusieurs dizaine de romans qui n'étaient plus du tout aux normes éditoriales entre leur publication en 2008 et les exigences depuis l'ouverture de Homoromance fin 2015. Seules 7 petites années séparent ces deux dates clefs, mais ces années sont déterminantes sur la façon dont un auteur change de style et évolue. Il était hors de questions que des nouveaux lecteurs potentiels découvrent mon vieux travail mal rédigé pour ne pas se pencher sur mes derniers ouvrages retravaillés avec soin.

3. Perception de la qualité éditoriale 

La manière dont notre travail est perçu est cruciale ! Un livre qui ne rencontre pas son public ou qui est mal reçu peut laisser une empreinte indélébile, influencer la réception de nos œuvres futures, même si on s'améliore entre-temps. Ne dit-on pas que c'est la première fois qui compte, la première impression ? Si par chance, une lectrice ou un lecteur nous découvre sur un ouvrage "génial", tant mieux. Mais s'il débute par le plus mauvais, il n'y aura pas de seconde chance.

Combien de fois ai-je vu sur les réseaux de lecteurs des témoignages négatifs concernant des auteurs comme Musso ou Werber où les lectrices et lecteurs disaient qu'ils ne se feraient plus avoir, prônant par exemple que l'auteur avait perdu toute sa magie et faisait uniquement du commercial.

Cela prend parfois des années avant que des lecteurs offrent une seconde chance à un auteur. (Si seconde chance il y a).

4. Conséquences à long terme

Il faut réfléchir aux conséquences - de publier un ouvrage refusé ou mal retravaillé - sur toute notre carrière d'autrices ou d'auteurs. Si nous voulons faire de cette activité notre métier ou une activité sur du long terme, il ne faut pas commettre d'impair. Les répercussions d'une décision précipitée de publier un manuscrit refusé ou de qualité moyenne peuvent perdurer bien après la sortie du livre. Comme expliqué plus haut, les lecteurs sont peu enclins à revenir, et les avis négatifs influencent grandement la perception de notre travail et ce, pendant de longues années voire durant toute notre vie d'auteur. Je vois malheureusement des autrices ou auteurs qui continuent de publier des romans moyens et à chaque ouvrage, ils perdent en lectrices et lecteurs...

5. Ce qu'en pensent les autrices de notre maison ?

5.1. Mélina Dicci

1 - Quels ont été les principaux facteurs qui vous ont poussé à ne pas publier votre manuscrit après avoir essuyé un refus ?

Le manuscrit de base était un très vieux texte qui avait bien marché sur une plateforme de lectures libres. J’avais déjà de gros doutes quant à sa qualité (fond comme forme ) mais j’ai quand même tenté. Une relecture, mais plus tellement l’engouement de me plonger dans cette histoire vieille de plus de 15 ans… quand la passion n’y est pas, je trouve qu’il est compliqué de croire en son texte et de le valoriser. Le refus ou plutôt la non acceptation en l’état m’a simplement confirmé ce que je savais déjà. Ce texte n’est pas calibré pour une édition. On m’a pourtant proposé de le réécrire et de le renvoyer, j’ai refusé car pour moi, il reste un texte d’amusement. Le travail me semblait vraiment colossale, au regard des améliorations qu’il avait pu apporté au texte initial. De quoi me faire passer peut être à côté d’un autre en cours bien plus intéressants. Je trouvais que j’avais suffisamment de quoi proposer pour ne pas m’acharner sur celui ci en particulier. 

2 - Comment avez-vous géré la déception du refus et quel impact cela a-t-il eu sur votre écriture par la suite ?

Bien sûr, une petite déception après tant de succès ailleurs. Chaque envoi de manuscrit se traduit par un stress intense de ne pas être acceptée, et donc d’échouer. Mais les retours m’ont semblé adaptés. J’en ai longuement discuté avec ma beta lectrice, qui m’a rassurée sur mon écriture. En revanche, ce que ça a changé, c’est ma façon de travailler mes textes de manière générale. Une plus profonde relecture, une correction plus intense aussi et le besoin de parfaire mon style pour ne plus tomber dans le piège du « texte facile ». 
Je dirais donc que l’expérience a été assez positive dans l’ensemble. Ce n’est jamais agréable de se voir refuser un texte, mais cela m’a appris à relativiser un peu… même si le doute sera toujours présent à chaque envoi.

3 - Avez-vous envisager de le publier d'une autre façon ?

Non je n’ai pas envisagé de le faire. Pour les mêmes raisons que je ne l’ai pas améliorer pour le proposer à nouveau, et parce que je ne travaille qu’avec une seule maison d’édition.

5.2. Alexia Damyl

1 - Quels ont été les principaux facteurs qui vous ont poussé à ne pas publier votre manuscrit après avoir essuyé un refus ?

J'avais déjà des doutes sur la qualité de ce manuscrit. Les retours du comité étaient plutôt positifs sur la qualité littéraire mais l'intrigue en Sf était vraiment farfelue et j'en avais conscience, j'ai donc décidé de laisser ce manuscrit au fond du tiroir.

2 - Comment avez-vous géré la déception du refus et quel impact cela a-t-il eu sur votre écriture par la suite ?

Je n'ai pas vraiment été déçue, si j'ai soumis ce texte c'est aussi pour prendre la température. Il se trouve que j'avais envoyé 2 textes en même temps et le fait que l'autre soit accepté m'a peut-être permis de mieux encaisser le refus. 

3 - Avez-vous envisager de le publier d'une autre façon ?

Aujourd’hui, plusieurs années après le refus, j'envisage de peut-être retravailler ce manuscrit afin que l'intrigue soit plus acceptable pour le lecteur car je pense que l'idée est originale et moins poussée à son paroxysme pourrait plaire. J'envisage alors de peut-être d'auto-publier.

 

5.3. Axelle Asfosh

1 - Quels ont été les principaux facteurs qui vous ont poussé à ne pas publier votre manuscrit après avoir essuyé un refus ?

Je me souviens avoir été secouée par l'un des retours que j'ai perçu comme assez violent. Ce n'est pas le bon mot mais sur le coup, j'ai eu l'impression que tout ce qui était dit par l'une des personnes du comité de lecture était négatif, tandis que les autres étaient plus neutres, ils soulignaient les défauts mais sans heurter. J'ai donc laissé un ou deux mois pour revenir sur le retour du comité pour voir ce que je pouvais en tirer. Finalement, en notant toutes les modifications qu'il aurait fallu faire (et qui aurait changé drastiquement la chute  du récit, ou changé les personnages de la romance) j'ai décidé de ne pas le modifier, et étant donné les critiques je ne pense pas qu'il soit de qualité suffisante pour être publié, que ce soit dans une autre maison d'édition ou en auto édition.

2 - Comment avez-vous géré la déception du refus et quel impact cela a-t-il eu sur votre écriture par la suite ?

Je m'étais préparée à un refus car c'est toujours ce que je fais, pour diminuer la déception lorsque (si) ça arrive. Mais comme dit juste avant, j'ai mal vécu l'un des retours, que j'ai trouvé virulent. Notamment, un commentaire disant de faire attention aux fautes alors que sur 2 tomes, après re correction par moi-même (qui suis prof) et quelqu'un d'autre, seulement quelques fautes ont été trouvées. Les autres retours du comité de lecture m'ont permis de mettre à distance celui plus négatif et voir le positif dans l'expérience.
OK, celui-là je n'en tirerai rien. Mais qu'est ce que j'ai appris ? Quels sont mes points d'appui ? L'écriture est vitale pour moi, j'écris depuis que je sais lire et écrire et je n'arrêterai jamais même si ce que j'écris doit rester cantonné dans un disque dur donc il fallait que j'en tire une "leçon".
Cependant, je me suis dit que je n'écrirais plus d'histoires aussi longues pour les voir partir à la poubelle. Et effectivement depuis, malgré beaucoup d'idées je m'interdis de faire autre chose que du one shot. Et malgré tout, cet "échec" a fragilisé mon rapport à l'écriture : je doute beaucoup plus qu'avant. J'ai envoyé un autre roman par la suite, refusé également pour des détails en me conseillant de modifier quelques points et de le renvoyer car il aurait beaucoup plu. J'ai commencé à le retravailler mais je n'ose pas le terminer car je ne sais pas si je suis capable de le renvoyer au comité de lecture. Un nouveau refus pourrait me faire perdre le reste de confiance que j'ai et je pourrais définitivement décider de ne plus publier par peur du risque.
Que ce soit clair, je ne critique pas du tout les retours de comité de lecture. Je pense qu'il est nécessaire de relever les points négatifs d'une histoire et il s'agit d'une vraie chance car quand on arrive à prendre du recul on sait où commencer pour s'améliorer. On est très chanceuses d'avoir droit à des pistes d'amélioration ! Mais comme (je trouve) l'écriture est quelque chose d'assez intime, parfois on est pas en capacité de le voir comme tel : des pistes d'amélioration et non des jugements. Bref, les membres du comité ne sont pas responsables de notre confiance fragile 😉

3 - Avez-vous envisager de le publier d'une autre façon ?

Non : je ne me sens pas capable de gérer de l'auto édition et je ne me sentirais pas assez compétente pour proposer à l'achat un livre qui n'a pas été entre les mains d'un comité de lecture compétent. Je me sentirais un peu comme un imposteur. Concernant une autre ME, les délais très longs me découragent et je préfère rester "fidèle" à HR. La seule chose qui pourrait me tenter c'est de le proposer gratuitement sur une plate-forme comme Wattpad.

5.4. Mady D.

1 - Quels ont été les principaux facteurs qui vous ont poussé à ne pas publier votre manuscrit après avoir essuyé un refus ?

Plusieurs critiques mettant en relief une piètre qualité du manuscrit, un texte lourd, peu ponctué, mal équilibré... Un texte illisible.

2 - Comment avez-vous géré la déception du refus et quel impact cela a-t-il eu sur votre écriture par la suite ?

S'agissant de mes premiers balbutiements en termes d'écriture, la critique m'a affectée sur le moment mais je l'ai acceptée facilement.
En prenant du recul, elle m'a poussée à m'améliorer, à relever le défi de travailler pour, enfin, voir sortir un roman.

3 - Avez-vous envisager de le publier d'une autre façon ?

Non, parce que j'estime que si les critiques sont fondées, il vaut mieux le retravailler ou laisser tomber plutôt que d'auto-publier ou de le soumettre à une autre ME. Je parle pour les premiers manuscrits, quand on débute... Ce serai maintenant, je me poserai un peu plus la question effectivement, mais il est clair que je le retravaillerais en tenant compte des remarques émises tout de même.  C'est souvent les rencontres avec les bonnes personnes qui permettent d'évoluer. J'ai eu la chance de croiser deux personnes qui m'ont appris à écrire et, à l'heure où mon sixième manuscrit sort, cela valait la peine de travailler, de douter mais de s'accrocher et de persevérer.

5.5. Liv Land

1 - Quels ont été les principaux facteurs qui vous ont poussé à ne pas publier votre manuscrit après avoir essuyé un refus ?

Je me souviens parfaitement du jour où j’ai reçu le premier refus pour mon livre Un sténopé en trop, refus de la ME, concurrente de HR et j’étais dévastée. Puis j’ai connu HR et envoyé le même manuscrit, et là, j’ai eu à nouveau un refus, mais celui-ci était argumenté, bienveillant et constructif. Pour autant, j’ai laissé de côté le manuscrit, ne sachant pas comment travailler sur ses faiblesses.
Puis une discussion sur le Café et une autrice que j’admire a accepté que je lui envoie le manuscrit et j’ai découvert la bêta lecture et j’ai pu progresser, enfin j’espère.

2 - Comment avez-vous géré la déception du refus et quel impact cela a-t-il eu sur votre écriture par la suite ?

En fait, chacun des refus que j’ai reçu m’a atteint en plein cœur et j’ai pu être à deux doigts de tout envoyer balader et de ne plus jamais écrire, laissant les romans pourrir dans mon ordinateur. Je me suis interrogé quant à savoir s’il s’agissait de blessures d’orgueil ou d’une déception naturelle. Quelques avis bienveillants bien que certains directs et sans ambages m’ont permis de redoubler d’énergie pour retravailler les textes et finir par être publiée.

3 - Avez-vous envisager de le publier d'une autre façon ?

J’ai soumis mes textes à d’autres ME quand ils ne passaient pas chez HR et ai décidé d’une auto-édition pour une nouvelle qui me tient à cœur et dont le format est délicat à faire publier autrement.




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