Intelligence artificielle dans l'édition : Une porte ouverte à la médiocrité ?
Voilà longtemps que nous souhaitions consacrer un article sur l'IA pour évoquer son usage dans l'édition et particulièrement dans l'auto-édition, terreau fertile de la médiocrité.
Vous l'avez sans doute remarqué, ces dernières années, la tendance de l'auto-édition est apparue en force, alimentant une vague de littérature de qualité discutable. Il y a de tout dans l'autoédition : du bon, du très bon, du mauvais, et du très mauvais. Problème majeur : la nouvelle tendance est au rendement et donc à la production excessive au détriment de la qualité. Surtout, la facilité d'accès à la publication autonome a fait croire à beaucoup d'entrepreneurs indépendants qu'ils pouvaient devenir des écrivains à part entière grâce à l'IA, mais la réalité est loin d'être aussi prometteuse.
Il ne fait aucun doute que l'auto-édition a ouvert la porte à de nombreux écrivains talentueux. Cependant, le problème réside dans le fait que cette porte est également grande ouverte à ceux qui ne respectent pas les normes de qualité rédactionnelle, engendrant ainsi un flot de littérature de piètre qualité. Les plateformes d'auto-édition, bien que pratiques, ont laissé émerger une marée de contenus qui ne font que dévaloriser le paysage littéraire.
L'intelligence artificielle, bien qu'innovante et impressionnante, pose un risque considérable pour la qualité et l'intégrité de l'édition littéraire... Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, voici le sommaire. Passez directement au point 2 si vous savez ce qu'est l'IA.
- L'intelligence artificielle, c'est quoi ?
- L'intelligence artificielle : une menace pour l'édition
- L'IA : catalyseur de la dégradation du contenu littéraire
- Les faiblesses de l'IA
- Auto-publication + traduction + IA = foyer de la littérature de mauvaise qualité
- Les défis qualitatifs de la littérature générée par l'IA
- Les outils utilisés par les éditeurs pour détecter les IA
- Conclusion : Un avenir sombre dans l'industrie de l'édition à cause de l'IA ?
1. L'intelligence artificielle, c'est quoi ?
L'intelligence artificielle (IA) est une branche de l'informatique qui se concentre sur la création de machines capables de prédire, apprendre et automatiser des tâches en utilisant des algorithmes et des réseaux de neurones. L'objectif de l'IA est de simuler des capacités intelligentes semblables à celles de l'intelligence humaine.
Le concept de l'IA remonte à l'époque d'Alan Turing, qui a développé le test de Turing pour évaluer la capacité d'une machine à afficher un comportement intelligent indiscernable de celui d'un être humain. Depuis lors, l'IA a évolué et englobe une variété de domaines tels que la robotique, l'apprentissage automatique (ou machine learning) et les systèmes experts.
Le machine learning est une technique centrale de l'IA, où les machines utilisent des algorithmes et des réseaux de neurones artificiels pour apprendre à partir de données et à prédire des résultats. Le big data joue également un rôle crucial, car il fournit des ensembles de données volumineux à analyser.
Les intelligences artificielles peuvent être utilisées dans une multitude de domaines, allant des chatbots pour le traitement du langage naturel aux systèmes experts pour l'aide à la décision. Des exemples bien connus incluent Watson d'IBM, utilisé dans des domaines tels que la médecine, et les programmes d'échecs intelligents capables de rivaliser avec les meilleurs joueurs humains.
L'IA soulève également des questions éthiques, notamment en ce qui concerne la prédiction et la prédictibilité des comportements humains. Le mathématicien français Cédric Villani s'est intéressé aux implications de l'IA et a souligné l'importance de développer une intelligence suffisante dans les machines tout en maintenant un contrôle éthique.
En résumé, l'IA est une discipline qui explore la création de machines intelligentes capables d'apprendre, de prédire et d'automatiser des tâches, en utilisant des techniques telles que le machine learning, les réseaux de neurones, l'analyse du big data et des algorithmes. Elle vise à simuler l'intelligence humaine et à fournir des solutions innovantes dans divers domaines.
2. L'intelligence artificielle : une menace pour l'édition
L'intelligence artificielle, avec sa promesse d'efficacité et de rapidité, a fait une entrée dérangeante dans le monde de l'édition ces derniers mois, apportant avec elle une panoplie de risques et de défis. Les failles béantes de qualité dans l'auto-édition sont flagrantes et l'IA les renforcent en bousculant les algorithmes et autres robots soient disant intelligents et autonomes qui doivent traiter l'information. Et ce n'est que la partie visible de l'iceberg car derrière ces problèmes se cachent aujourd'hui une absence d'originalité et un manque cruel d'émotion - des éléments essentiels pour créer une œuvre littéraire digne de ce nom.
Des logiciels d'IA, tels que ChatGPT d'OpenAI, BARD de Google, offrent aux auteurs la capacité de produire des contenus à un rythme inégalé, mais "production accrue" ne rime pas avec "meilleure qualité". Au contraire, le contenu généré par l'IA tend à être stérile, dépourvu de la sensibilité humaine et des nuances qui rendent la littérature si captivante. En substance, les logiciels d'IA peuvent produire du texte, mais ils ne peuvent pas écrire des histoires avec un grand H.
Ces outils sont vraiment attrayants pour les auteurs d'auto-édition, qui sont souvent soumis à une pression énorme pour publier régulièrement. Cependant, l'utilisation de l'IA pour générer du contenu littéraire "vite" pour un "super rendement" conduit inévitablement à une dégradation de la qualité.
De plus, il faut souligner que la capacité des logiciels d'IA à reproduire et à manipuler le texte existant pose de réels problèmes de plagiat et d'authenticité, mettant en péril l'intégrité même de l'industrie de l'édition...
3. L'IA : catalyseur de la dégradation du contenu littéraire
En plus de favoriser l'auto-édition et la mise en ligne de textes littéraires médiocres, l'intelligence artificielle accélère la production de contenu littéraire. Un expert en contenu expliquait dernièrement dans une vidéo que son utilisation allait engendrer un énorme problème de visibilité pour les "vrais" créateurs de contenu qui verraient leurs quotas de visibilité passer d'environ 10% à 0.1% !
Car dans notre monde de consommation (y compris littéraire) où tout à chacun aimerait que la création, la mise en ligne et le rendement soit rapide et efficace, la vitesse devient un substitut à la qualité. Ainsi, nous observons non seulement une augmentation alarmante de la production littéraire de contenus médiocres par l'IA, mais une large diffusion desdits contenus, ce qui va à l'encontre de l'essence même de la littérature.
4. Les faiblesses de l'IA
Comme expliqué plus haut, le contenu généré par l'IA dans le cadre de l'écriture d'un roman est dénué de l'émotion et de l'originalité qui font l'âme d'une véritable œuvre littéraire. Et c'est particulièrement vrai pour les romances générés par l'IA. Oh, bien sûr, les phrases générées peuvent être remplies de mots recherchés, de belles phrases cohérentes et d'un vocabulaire riche sans verbe faible, mais ces textes sont souvent vides d'émotion, ce qui est vital pour les romans !
Ci-dessous, un bref exemple de contenu complètement niaiseux :
Demande à l'IA : Pour mon roman lesbien, écrit moi une scène romantique de la rencontre entre Olivia et Amanda sur le bord de mer
Le soleil déclinait lentement à l'horizon, peignant le ciel d'une palette de couleurs chaudes et chatoyantes. Une légère brise marine venait caresser les cheveux d'Olivia alors qu'elle marchait le long du bord de mer. Les vagues venaient s'écraser avec douceur contre le rivage, créant une mélodie apaisante. Alors qu'elle se perdait dans ses pensées, Olivia aperçut une silhouette solitaire, debout près d'un rocher. C'est alors qu'elle remarqua la beauté éblouissante d'Amanda. Ses yeux bleus étincelaient comme les flots tumultueux, et ses cheveux bruns tombaient en douces boucles autour de son visage. Olivia sentit son souffle se suspendre, comme si le monde entier avait ralenti. Sans dire un mot, Amanda tendit la main, invitante, et Olivia ne put résister à cette invitation muette. Leurs doigts se touchèrent doucement, déclenchant une décharge électrique qui parcourut tout leur être. Un frisson traversa l'échine d'Olivia, et elle sut alors qu'elle avait trouvé quelque chose de spécial, quelque chose qui allait changer sa vie. Le vent marin s'intensifia, agitant doucement leurs cheveux, mais elles ne s'en souciaient pas. Il n'y avait plus qu'elles deux, se tenant là, sur le bord de mer, dans un moment suspendu dans le temps.
Olivia sentit son cœur s'emballer, le désir et l'excitation se mêlant à une légère appréhension. Elle prit une profonde inspiration et, d'une voix tremblante mais déterminée, elle murmura : "Je suis contente de t'avoir trouvée ici."
Le visage d'Amanda s'illumina d'un sourire radieux, et elle répondit : "Moi aussi, je suis heureuse que tu sois venue jusqu'à moi."
Sans hésitation, Olivia s'approcha d'Amanda et l'enveloppa dans ses bras. Les battements de leur cœur résonnaient en harmonie, comme s'ils étaient destinés à se trouver l'un l'autre. Leurs lèvres se frôlèrent délicatement dans un premier baiser, doux et tendre, rempli de promesses et de découvertes. Sur le bord de mer, deux âmes s'étaient trouvées et, ensemble, elles savaient qu'elles pourraient affronter tous les défis et construire un amour fort et véritable.
CQFD ! Alors oui, vous me direz que les descriptions sont passables, mais les dialogues sont creux et font penser à ceux des sitcoms des années 90. Il n'y a ni créativité, ni originalité !
Alors que l'intelligence artificielle peut sembler une aubaine pour la production d'ouvrages littéraires, elle agit en réalité comme un catalyseur de la dégradation du contenu dans l'industrie de l'édition...
5. Auto-publication + traduction + IA = foyer de la littérature de mauvaise qualité
L'IA est également utilisée pour la traduction de contenus existants, une application qui soulève bien sûr d'autres problèmes.
Deepl et Google Translate ont certes amélioré leur précision au fil des ans, mais ils peinent à capturer l'esprit et les subtilités de la langue cible, dont le français. Souvent, ils produisent des traductions littérales qui ignorent le contexte, le ton et l'intention de l'auteur. Ils manquent toujours, et je souligne "toujours", les nuances et les subtilités de la langue cible, ce qui peut aboutir à des interprétations erronées ou trompeuses du texte original.
Pour exemple, lors de nos tests de recrutement pour les traductions en anglais vers le français, certains traducteurs/trices nous ont transmis des textes traduits sur Deepl. Il était bien évidemment aisé de vérifier leur emploi, et je vous dirai même que ça ne nous dérange pas, tant que le texte traduit est véritablement retravaillé mot à mot, phrase après phrase pour réécrire ce qui doit l'être, adapter les expressions anglaises ou américaines aux expressions françaises pour rendre le texte fluide à la lecture ! C'est LE travail essentiel des vrais traducteurs et des vraies traductrices.
L'IA est incapable de travailler sur ces subtilités propres à l'esprit humain, de notre façon d'user d'ironie, de sarcasme ou de traduire certaines émotions qui font la profondeur de nos personnages. Et même si ce type de robot ou de programmes de traductions informatiques "intelligents" (qui, rappelons-le ont précédé l'IA) sont entraînés à faire mieux, ils souffriront toujours de failles. Le cerveau humain sera donc toujours indispensable pour vérifier leurs "travaux" pour les corriger, voire les compléter.
L'IA pour la traduction de contenus existants représente donc un risque pour la fidélité du texte traduit, déformant la plupart du temps le véritable message et l'intention de l'auteur source.
Et c'est le principal problème des traductions qui envahissent les différentes niches littéraires, alimentant le cycle de la médiocrité dans l'industrie de l'édition : l'IA produit un ouvrage moyennement passable, texte qui est ensuite traduit en italien, allemand, français, portugais et j'en passe, sans qu'Amazon Kindle Direct Publishing (KDP) et d'autres distributeurs de numériques ne vérifient la qualité des ouvrages mis en ligne.
Combien de lectrices ont vu passer ce type de traductions (surtout venant des FF espagnoles), et déplorent le manque de relecture et de travail éditorial ?
Cette explosion indésirable de contenu en ligne de faible qualité n'est pas seulement préjudiciable pour les lecteurs, elle nuit à l'ensemble de l'industrie du livre puisque les auteurs et éditeurs produisant du contenu de qualité se retrouvent noyés dans un océan de médiocrité.
6. Les défis qualitatifs de la littérature générée par l'IA
Autant ne pas se leurrer : faire appel à l'intelligence des modèles de langage IA est utile pour produire du contenu à une vitesse vertigineuse. Néanmoins, il est crucial de souligner les limites de l'IA dans la création de contenu de qualité.
Les auteurs compétents qui ont eu l'occasion de tester l'outil se sont bien rendus compte de plusieurs évidences :
- l'IA fait des fautes
- l'IA produit des erreurs sur les sujets qui ne font pas partis de sa base de connaissance
- l'IA est incapable de produire un contenu avec de véritables émotions humaines
Trois problèmes majeurs quand on veut offrir aux lecteurs la meilleure expérience de lecture, y compris dans les fictions. Il existe certes des façons de l'utiliser pour améliorer ces textes, ce qui pourra faire l'oeuvre d'un nouvel article si vous souhaitez en apprendre plus sur le sujet. (à vous de nous le dire en commentaire)
7. Les outils utilisés par les éditeurs pour détecter les IA
Si vous souhaitez devenir auteurs ou écrivains à temps plein et pensez à utiliser une IA pour écrire un roman, quel que soit le domaine, dites vous que la majorité des maisons d'édition utilisent des outils d'analyse les données et de détection d'IA, notamment pour détecter le plagiat. Nous ne vous donnerons pas la liste de ces logiciels nombreux qui sont améliorés au fil des mois par les programmeurs, mais l'IA est aussi utilisée "contre elle-même" pour éviter les abus de ce genre.
Les maisons d'édition sont-elles contre cet usage ? Dans la mesure où le comité de lecture déplore les points sus-mentionnés, elles le seront.
Quant à la position de nos éditions sur le sujet est simple : l'IA est un outil utile pour améliorer son texte, au même titre que les auteurs et/ou correcteurs utilisent antidote qui est une forme d'IA. Le principal est de l'utiliser à bon escient, en relisant son texte, pour produire des ouvrages de qualité.
Les dix clefs d'un roman retenu dans notre maison sont les suivantes :
- Romance lesbienne ou gaie
- Authenticité
- Émotions
- Chimie entre les personnages
- Écriture captivante
- Développement et profondeur des personnages
- Sensibilité LGBTQ+
- Intrigue bien construite
- Réalisme des relations amoureuses
- Originalité
8. Conclusion : Un avenir sombre dans l'industrie de l'édition à cause de l'IA ?
Comme nous l'avons souligné tout au long de cet article, l'industrie de l'édition fait face à des changements majeurs à cause de l'IA et les éditeurs ne peuvent pas ignorer le potentiel destructeur de l'IA sur du long terme. Les auteurs pourraient se retrouver dévalorisés, la qualité de la littérature pourrait décliner et le public pourrait se détourner des plateformes de publication en ligne qui laissent ces mauvaises herbes proliférer sur les plateformes.
Face à ces défis, il est primordial que l'industrie de l'édition, notamment les géants de la distribution, repensent leur approche de la mise en ligne de ce contenu.
Au lieu d'adopter aveuglément cette technologie pour des gains à court terme, nous devons tenir compte des implications à long terme de cette évolution technologique. Seul un équilibre attentif entre innovation technologique et respect des valeurs littéraires peut garantir un avenir brillant pour l'édition à l'ère numérique...
Mais l'IA n'a pas que des aspects négatifs. Elle peut être un outil puissant qui aident les auteurs confirmés ou auteurs en herbes à progresser.
Si vous le souhaitez, nous écrirons un prochain article sur ces thèmes : "L'Intelligence artificielle peut-elle remplacer les écrivains ?" et/ou "Comment utiliser l'IA et sublimer sa plume quand on est auteur ?"
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Ça prouve bien que l'intelligence artificielle n’a rien à faire dans l’édition littéraire. Je ne sais pas où sont passés les vrais écrivains, mais clairement, ils ne sont pas derrière ces torchons. Et je ne parle même pas des livres censés être sur des sujets sérieux. On nous vend ça comme le "meilleur livre sur l'IA" ou "le meilleur livre sur l’intelligence artificielle", alors que c’est du grand n’importe quoi. Où est passée l'authenticité, l'émotion, la profondeur ? Sérieusement, si c’est ça l’avenir de la littérature avec ces robots IA, je préfère encore relire les pages jaunes.