Combat à vie
EXTRAIT :
Rien ne s’est passé comme prévu, elle n’était pas du tout comme prévue.
Elle m’a d’abord accueillie avec brusquerie, comme si c’était elle qui me rendait service et pas l’inverse. Et sa maison ? J’ai failli éclater de rire devant le carnage, j’ai immédiatement repensé à l’appartement de ma meilleure amie à la fac. Il ressemblait exactement à ça, un endroit qui n’a pas vu un balai ou une éponge depuis bien trop longtemps. Je m’y sentais tellement bien à l’époque, en sécurité. Chez une jeune étudiante, c’était la marque d’une vie débordante, chez une femme adulte par contre…
Et puis je l’ai vue. De dos. Elle était si délicate, si gracile, ployant sous un fardeau bien trop volumineux pour elle. L’image d’une Atlas minuscule supportant le poids du monde sur ses frêles épaules s’est immédiatement imposée à moi. Elle n’était que de dos et j’avais déjà une envie farouche de l’aider… à ce qu’elle voudrait. Évaporé mon discours soigneusement préparé dans l’escalier pour négocier ces « conditions » ridicules, je réfléchissais déjà aux créneaux possibles. J’étais prête à me plier en deux, en quatre ou en mille pour faire gagner à Guillaume ces « quelques semaines ». Je suis une femme serviable.
Et elle s’est retournée. J’ai vaguement eu une vue d’ensemble, cheveux longs attachés, bruns hormis une mèche blanche, ah ? Une coquetterie ? Ça ne correspond pas à son style… Euh « je-ne-compte-pas-sortir-de-chez-moi-et-je-vous-emmerde » ? Je reviens sur son visage. Mignonne… Et je me pétrifie. Ses yeux, son regard. Un gris éclatant digne d’un orage d’août en pleine montagne. Quand le ciel est à la fois sombre et brillant, aux reflets chatoyants, changeants de seconde en seconde. Et c’est bien un orage que je vois dans son regard, une tempête même. J’ai une envolée lyrique rien que d’y penser. Baudelaire aurait tué pour les contempler juste une fois. Il aurait su en magnifier la gloire, il aurait… il aurait trouvé les mots qui me manquent, à coup sûr.
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