Arizona Road
EXTRAIT :
Sur un trip en partance pour les bas-fonds de Vegas, après avoir roulé ma bosse sur les routes d’Arizona jusqu’au Meteor Crater, puis avoir sillonné la route soixante-six jusqu’à Flagstaff, je garai ma vieille Mustang de location sur le parking d’un motel minable, dont le bar aux allures baroques me clignait de l’œil au-delà de la nuit sans fond. La frontière du Nevada était à moins de huit heures et, avec de la chance, je la franchirai même dans la matinée. Du moins, l’espérais-je.
Le talon de ma tiag heurta le chambranle de la porte, qui grinça douloureusement. Le bar, enfumé par les cigares des buveurs, les lumières tamisées sur une atmosphère coulante, la musique d’un vieux rock agonisant dans le juke-box centenaire : tout me soulevait les tripes jusqu’à la racine de l’âme.
La serveuse, aguicheuse, au regard espagnol, me déshabilla du regard sans aucune pudeur, en me servant la vodka tout droit venue de Pologne, que je commandai. À l’autre bout de la pièce, le patron, dans son habit crasseux, se mit à faire du gringue à une cliente camée, tout en préparant mes Chimichangas. J’adore les burritos frits et j’ai la chance d’avoir un métabolisme qui s’adapte à tout. Je pouvais donc abuser de ce plat phare d’Arizona sans crainte.
Je pris mon verre glacé et allai m’asseoir à la table du fond, m’installant comme pour me vider définitivement de la fatigue qui me ravageait. Les visages aux yeux morbides des routiers assoiffés, croulant sous la bière bon marché, étaient tournés vers moi, quelque peu méfiants et alléchés. Mon regard, à l’égal d’un fusil chargé, les dissuada immédiatement de toute velléité d’approche.
Surgissant d’on ne sait où, un inconnu à la barbe terreuse et aux allures de junkie vint lourdement à ma rencontre. Je le reniflai à cent mètres... Il sentait la sueur et la Tequila à un dollar.
— Tu cherches Billy-Joe, étrangère ? me lança-t-il, la langue chargée d’alcool et de tabac.
J’acquiesçai en flairant le piège ostensiblement tendu. Mais j’attendais ce moment depuis trop longtemps. Los Angeles n’était pas assez loin pour que j’oublie le souvenir de ma dernière rencontre avec B.J. Il me fracassait encore l’arrière de la conscience. Aussi, quand le crasseux me fit signe de le suivre, je me levai, blasée, malgré l’appréhension qui shootait ma pompe cardiaque. Ma main glissa sur le cran d’arrêt qui ne me quittait jamais. Son contact glacé me réconforta. Bien sûr, il ne valait pas un bon colt quarante-cinq, mais je me targuais d’être une habile joueuse de corps à corps.
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