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Interview de Geneviève Durocher pour "Le bonheur s'habille en jupe"

| Chantal_Trembley | Interviews de nos autrices et auteurs

Interview de Geneviève Durocher pour "Le bonheur s

Le titre de votre roman Le bonheur s’habille en jupe est pour le moins original et intriguant. D’où vous en est venue l’idée?

L’idée m’est venue aussi rapidement qu’un flash. J’ai trouvé ce titre avant même d’écrire les lignes de l’histoire. Traduire le bonheur de l’amour entre femmes de façon humoristique et originale, c’est ainsi que ça se révélait dans mon dictionnaire créatif : le bonheur s’habille en jupe.

Vos deux personnages principaux, Ève-Marie, la narratrice, et Andréanne, sa meilleure amie, partagent une passion pour la musique et jouent du saxophone. La musique est-elle une passion que vous partagez avec vos personnages? Quels genres ont votre préférence? Jouez-vous d’un instrument de musique?

 Je partage effectivement cette passion avec mes personnages. Je joue présentement dans un orchestre à vents. J’ai adopté le saxophone à l’âge de 12 ans et je ne l’ai presque jamais délaissé depuis. La musique fait partie intégrante de ma vie depuis toujours. J’aime la musique qui s’exprime aisément sans mots tels que le classique ou le jazz. J’affectionne particulièrement la musique d’orchestre, car elle me permet de m’exprimer et elle me donne de grands frissons.

La narratrice du bonheur s’habille en jupe est analyste d’affaires ou en termes plus explicites, comptable. La comptabilité était-elle un domaine que vous connaissiez avant d’entamer la rédaction de votre roman? Avez-vous dû faire quelques recherches? Personnellement, aimez-vous les chiffres?

Je vous avoue que je n’ai pas eu à faire des recherches sur le métier de comptable, car tout comme la narratrice du roman, je travaille en comptabilité. Eh non! détrompez-vous, car contrairement au cliché populaire, je ne porte pas de bas brun. Ha! Ha! Ha! J’ai toujours aimé les chiffres et à l’école je préférais les mathématiques. Cela tombait de sens pour moi que je me dirige vers un métier qui comporte majoritairement des chiffres et, il me semble que ces chiffres sont encore plus jolis lorsqu’ils sont suivis d’un symbole monétaire. J Hi! Hi! Hi!

 Votre œuvre met en scène l’amitié précieuse entre Andréanne, hétérosexuelle, et Ève-Marie, lesbienne. Cette relation n’est pourtant pas sans créer ses propres refoulements et ses propres non-dits. Pourquoi avoir choisi de mettre en scène cette amitié particulière dans votre roman? Croyez-vous que l’amitié entre une personne homosexuelle et une personne hétérosexuelle soit plus complexe? Quelles sont, selon vous, les difficultés inhérentes à ce type de relation?

Pour avoir vécu les difficultés qu’engendre ce type de relations à quelques reprises, j’avais l’envie et le besoin d’en parler, car je ne suis certainement pas la seule lesbienne à l’avoir vécu. L’amitié est une forme d’amour dont la seule chose qui en diffère de l’amour véritable, selon moi, c’est l’attirance. Même si l’homosexuelle trouve son amie absolument charmante, extraordinaire et belle, ça ne veut pas dire qu’elle éprouve du désir ni qu’elle en est amoureuse. C’est en discutant de ces choses-là ouvertement que l’on créer les meilleures amitiés, car il n’y a pas de « non-dits ». La relation est différente certes, mais elle n’est pas plus complexe si elle se base sur la confiance et la sincérité. Tant qu’il n’y a pas d’ambiguïté, l’estime que l’on a pour l’autre coule naturellement bien. Au bout du compte, je pense que l’amitié dépend bien plus de la personnalité des deux protagonistes que de leur orientation sexuelle.

 Andréanne et Éve-Marie, dans leurs longues discussions, parlent souvent de l’amour et tentent de le définir. Quelle serait votre définition personnelle de l’amour?

Ouf! La grande question existentielle! Et, aussi la question parfaite à poser à une auteure de romance! L’amour, pour moi, est un sentiment qui prend plusieurs formes, et surtouts qui se transforme avec le temps. On ne peut pas aimer une personne de la même façon après 10 ans de vie commune qu’après seulement 2 mois de fréquentation. L’amour prend racine dans l’admiration que l’on a pour l’autre et ensuite il s’incruste naturellement en nous. L’amour c’est lorsque l’on trouve mignons les petits défauts de l’autre et c’est lorsqu’on se sent complète en compagnie de l’autre. L’amour c’est autant de se sentir chaviré au premier regard que de se sentir aimé après des années passées auprès la même personne; cette personne qui nous connaît par cœur, qui nous voit évoluer avec nos forces et nos faiblesses et qui, malgré tout, continue de nous aimer. L’amour c’est, sans effort, grandir, évoluer et rêver ensemble.

 Une partie de l’intrigue de votre histoire se passe en Floride. Pourquoi avoir fait ce choix narratif? La Floride est-elle un lieu que vous appréciez et connaissez bien? Y êtes-vous allé vous-même?

À part être allée à Walt-Disney une fois, je ne connais vraiment pas la Floride sauf que, comme tout bon québécois écœuré de la neige et de l’hiver, je rêvais d’un endroit bien au chaud alors je me suis permis de rêvasser en envoyant mes personnages en Floride. C’est un peu à cela que peut servir l’écriture : réaliser des rêves et des fantasmes.

 Sydney, la patronne d’Ève-Marie, n’a pas encore fait son coming out auprès de son entourage. Qu’est-ce qui, selon vous, provoque encore cette hésitation chez beaucoup de personnes de la communauté LBGT? Croyez-vous qu’un jour « sortir du garde-robe » ne sera plus une épreuve, mais seulement un événement « banal » dans la vie des personnes gaies?

La crainte d’être rejeté ou juger par l’entourage y est pour beaucoup dans le dévoilement de l’homosexualité. La peur que les gens que l’on aime changent d’attitude envers nous. Plus l’homosexualité sera perçue banalement par la société et moins elle sera vécue comme une épreuve par les gens qui veulent l’affirmer. Faire son coming out est loin d’être une évidence malgré l’évolution des mentalités et il y aura toujours une phase d’acceptation à vivre pour les personnes LGBT. Cependant cette acceptation se fera de plus en plus aisément, selon moi, en parallèle avec le niveau d’aisance sociétale. Je souhaite et  j’ose croire qu’un jour cela sera un événement banal et que tous les LGBT se sentiront moins craintifs de divulguer leur orientation sexuelle.

Sur un sujet similaire,  Ève-Marie, bien qu’elle assume bien son homosexualité, n’en parle pas sur son milieu de travail, de peur que le  comportement des gens change à son égard. Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous qu’il y a des milieux et des situations où il vaut mieux dissimuler son orientation sexuelle ? Selon vous, qu’est-ce qui explique que l’attitude de certaines personnes change lorsqu’elles savent l’homosexualité de leur interlocuteur ?

Le travail est un endroit où l’on passe beaucoup de temps dans notre vie alors il vaut mieux pour nous de s’y sentir à l’aise. L’homophobie au travail est encore bien plus oppressante qu’ailleurs, car ailleurs il nous suffit de changer d’endroit pour l’éviter tout simplement alors qu’au travail, on le vit jour après jour. La crainte de la réaction des collègues et du patron ainsi que la peur de vivre de la discrimination ou de porter une étiquette qui nuira à notre niveau de confort au travail font en sorte qu’il devient souvent plus facile de rester caché. C’est une décision très personnelle de le révéler ou pas, mais le fait de devoir le cacher n’est pas non plus une chose facile, car nous entretenons des relations avec nos collègues. Je n’ai pas toujours fait le choix de le dévoiler, mais lorsque j’ai choisi de le faire, je me suis rendu compte que j’avais été craintive pour rien et que les gens étaient beaucoup plus réceptifs que je ne le pensais. Depuis ce temps, c’est fini les cachettes et mon choix c’est d’être moi!

L’une des particularités de votre style, c’est la manière dont vous décrivez les couleurs. En effet, vous les affublez toutes d’un nom et d’un numéro, par exemple « bleue crépuscule #2067 ». Ève-Marie révèle à la fin du roman que c’est parce qu’elle a travaillé au Réno-Dépôt et qu’elle a appris le catalogue des couleurs par couleur de Benjamin Moore. Est-ce également votre cas ? Ou avez-vous dû vous rapporter à  cette galerie de couleur à chaque fois que vous faisiez une description ?

Je n’ai jamais travaillé au Réno-Dépôt, ni même à aucun autre quincaillier du même genre. Je ne suis pas tellement une personne dite : « manuelle » dans la vie, et j’avoue ne pas être très bonne avec un pinceau dans les mains, car j’ai tendance à en mettre plus sur moi-même que sur les murs. J’avais simplement envie de mettre de la couleur dans mes descriptions d’endroits, et j’ai eu cette idée que je trouvais amusante. Quoi de mieux pour décrire une couleur que de l’affubler d’un nom ! À  chaque nouvel endroit que mes personnages visitaient dans l’histoire, j’ai dû plonger le nez dans le catalogue de peinture de Benjamin Moore pour choisir une couleur, tout comme l’aurait fait une décoratrice, ou presque. J’ai eu beaucoup de plaisir à le faire.

La romance est-elle un genre que vous appréciez et que vous avez l’intention de réaborder dans de nouveaux projets d’écriture ?

La romance est mon genre préféré. L’amour et l’amitié sont des thèmes inépuisables qui m’inspirent mille et une histoires. J’ai toujours été une amatrice de lecture romantique et humoristique à la fois. Cependant, au début de l’âge adulte (sans vous dévoiler mon âge, on parle d’il y a environ de cela 15 ans… Hi! Hi!), j’étais incapable de m’identifier dans les romans présents sur le marché ainsi, par le biais de mon imagination débordante, j’imaginais mes propres histoires, ce qui fut le début de mon processus de création. La romance est un genre que je vais toujours réaborder dans mes projets d’écritures, peu importe la forme du projet. Je vous confie même, en primeur, que ma prochaine histoire est déjà prête à être lue et qu’elle sera effectivement empreinte de romance, mais je vous garantis surtout que vous la trouverez amusante et intrigante à la fois. Je travaille déjà à deux autres projets dans lesquels les thèmes de l’amour et l’amitié entre femmes seront présents, car ils me sont tant évocateurs de belles histoires touchantes comme je les aime.


Par Anaïs Paquin





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