Vie de Pirates
Résumé : La Capitaine Gabriel Rook n’a qu’une seule idée en tête : dérober les trésors du célèbre Sir Lazare ! Seulement, tout le monde veut ses richesses et surtout Booth le Sanguinaire. Lorsque Rook lui dérobe la clé manquante pour lire la carte au trésor, il envoie son bras droit, la Capitaine Holly Booth, à sa poursuite. La jeune femme souhaite s’en sortir dans ce monde d’hommes et se libérer de l’empire du pirate.Dans un monde où les lois ne leurs sont pas favorables, Holly et Gabriel se mettront-elles des bâtons dans les roues ou trouveront-elles une issue ensemble ? Suivez l’aventure à bord de leurs navires !
EXTRAIT
« La vie à bord d’un navire en plein océan est rudimentaire. Nous vivons au rythme du soleil et de la mer. À bord du Redbird, il y a une cinquantaine d’hommes. C’est à la fois peu comparé aux deux-cent-cinquante que j’ai embarqués pour le dernier abordage, mais c’est aussi beaucoup pour l’espace qui nous est offert.
Les pirates dorment dans leur branle pour la plupart. Des recoins de la cuisine ou entre les canons, chacun cherche un petit coin où fermer les yeux. Cinquante, c’est dix fois plus que l’équipage de Rook d’après ce qu’on en dit. Ce bandit des mers est rusé. J’en ai entendu des histoires à son sujet et des plus farfelues. Je suis sûre de parvenir à mes fins, mais la prudence et la réflexion sont de mises quand on pense à l’agilité avec laquelle il m’a filouté cette carte. Avec Rook, l’entourloupe n’est jamais loin. Nombreux sont ceux qui l’ont découvert à leurs dépens et je ne compte pas faire partie de ce lot.
Dans ma cabine, j’ai au moins le loisir d’être seule. D’ici, j’entends les clapots des vagues que j’ai appris à aimer et le briquage des armes à feu des hommes les plus proches. La rouille est le pire ennemi de nos armes. Sous mon commandement, l’entretien est obligatoire matin et soir. Il y a deux règles à ne jamais transgresser : veiller à la propreté des hommes et s’assurer du bon fonctionnement des armes.
Pendant que l’équipage veille au pilotage et au nettoyage, je prépare l’expédition dans ses détails. Il y a de fortes chances que Rook ait mis le cap sur Antigua-et-Barbuda. D’après ce que j’en ai entendu lors de notre rencontre, le sloop cherchait du ravitaillement. Apparemment, pas qu’en nourriture. Il se murmure dans les repaires de pirates que les temps ont été durs pour les petites gens à leur compte. La confrérie de Booth prend de l’ampleur et pille sans vergogne. Ceux qui comptent parmi sa flotte s’en sortent grâce à des échanges à San Blas. Ceux qui se rangent sous sa coupe doivent reverser une partie de leurs butins. Le filet se resserre dans les eaux chaudes et ça va durer jusqu’à ce que Thomas fasse route pour le cap de tous les dangers.
Deux coups frappés à ma porte annoncent la venue de Calista.
— Entre !
La brune est plus petite que moi. Elle a des origines latines à n’en pas douter. Son accent est chantant, mais garde à la fâcher ! Une fois devenue maître de mon navire, elle a révélé sa personnalité profonde. Celle d’une femme forte libérée des carcans dans lesquels son tempérament était brimé.
Après avoir fermé la porte derrière elle, Calista se tient bien droite pour annoncer :
— Tout est en ordre, mon capitaine.
— Viens t’asseoir, la nuit tombe.
Un coup d’œil me suffit pour découvrir l’ombre crépusculaire qui flotte devant le soleil orange et doux de la fin d'après-midi. Sur le pont, on allumera bientôt les bougies et on jouera un air qui distraira l’équipage. C’est un moment important. Les hommes et les femmes qui voguent sur le Redbird sont superstitieux comme nombre d’autres marins. Profiter d’un temps de joie après une journée, sans savoir ce que la prochaine nous réserve, est une célébration autant qu’une prière.
Calista approche de ma table. Elle s’assoit à ma droite tandis que je fais rouler un rubis entre mes doigts. D’un signe de tête, je l’invite à se servir à boire. La brune remplit une coupe de vin lorsque j’annonce :
— J’ai un présent pour toi.
Les grands yeux de mon second s’ouvrent avec surprise.
— Après ces lunes de navigations, tu as gagné ma confiance et mon respect, Calista. Tu es devenue une femme pirate remarquable.
— Merci, Capitaine.
Je me penche plus en avant contre la table pour poser une main sur la sienne.
— C’est moi qui te remercie. Tu es ici ma seule amie, la plus fidèle aussi. Face à mes colères, tu restes la même, avec une douceur que j’ai perdue il y a trop longtemps.
En trouvant son regard, je lui dis encore avec conviction :
— Je sais que tu as deviné ce qui me lie au Capitaine Booth.
— Ma langue ne trahira pas votre secret.
— Je le sais.
Je libère sa main en reculant. Le rubis serti sur une boucle en or glisse entre mes doigts. En observant la flamme de la bougie la plus proche, je murmure :
— C’est pour ce qui tisse notre fidélité que je t’offre un gage de protection, Calista.
— Quel est-il ? demande-t-elle, curieuse.
— Est-ce que tu me fais assez confiance pour te le remettre de la façon dont il se doit ?
— Ce que vous voudrez, Capitaine.
J’acquiesce à ses paroles et me lève avec détermination. D'un pas lent, je me place derrière le dossier de la chaise de mon second. Je lui intime de s’éloigner de la table avant de l’enjamber. Je m’installe par-dessus elle avec attention. Les iris sombres de Calista m’observent. Elle ne dit pas un mot lorsque je saisis son doux visage entre mes doigts. J’oriente son minois pour glisser le regard sur la courbe de son oreille droite.
— Ça n’a rien d’une cérémonie, mais ça a toute sa valeur à mes yeux et j’espère aux tiens aussi.
Je la libère un instant pour prendre une aiguille que je plonge dans mon verre de rhum. Calista tourne la tête et pose les mains maladroitement sur mes jambes. Son appréhension est palpable à la façon dont ses doigts se crispent contre mes muscles même si elle n’en dit rien. Après un dernier coup d'oeil en coin, elle détourne le regard et je perce son lobe de part en part, puis y accroche le bijou. Une minuscule goutte de sang perle avant que la fine pierre ne trouve sa place près de son cou.
Je lui accorde, les yeux dans les yeux :
— On dit que le rubis met celui qui le porte à l’abri de la noyade. Qu’il te préserve. »
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Ce n'est pas le plus ronron ou drôle, mais nous sommes plongés dans l'univers marin de manière bien agréable :-)
On va y suivre Gabriel et Holly se pourchasser , le fait d'avoir un double point de vue de part le 4 mains est agréable dans ce récit :-)
Mention spéciale pour la couverture qui est splendide !
Le tout est porté par une aventure épique qui nous fait passer par tous les stades émotionnels. Le rire, la joie, la surprise, la colère, la peur, l’amour, l’angoisse… Tout est présent et reflète à la perfection les difficultés que cela représentait à l’époque d’être différent (ce point est soulevé à travers plusieurs personnages tout au long de leur parcours de vie, passé ou présent, et apporte une profondeur et une dimension supplémentaire à leurs motivations, aux individus qu’ils sont et au monde au sein duquel ils évoluent). La force de ce récit est sans nul doute l’honnêteté d’intention qu’il a à vouloir nous plonger totalement dans l’univers cru et impitoyable des pirates. Ici, rien n’est lisse ou édulcoré. Certains passages sont sombres, très sombres, mais, en plus d’être réaliste par rapport à l’époque et à l’univers dans lequel tout ce petit monde évolue, ils sont aussi un merveilleux point d’ancrage (encore une fois, sans mauvais jeu de mots…) pour mettre en avant leurs espoirs et la lumière vers laquelle ils tendent et se tournent. A aucun moment on ne lâche Gabriel et Holly, à aucun moment on ne cesse de croire en elles, et notre cœur les accompagne jusqu’au bout de cette fabuleuse épopée (j’ai d’ailleurs trouvé la fin parfaite).
Gabriel et Holly dont la complémentarité et l’amour qui les lie sont à l’image de leur caractère respectif : touchant et explosif. Elles se dévouent chacune à l’autre, à leur cause d’abord individuelle puis commune, à la recherche d’un idéal parfois flou mais toujours bien présent, et parviennent à le faire sans tourner une seule fois le dos à tout ce qu’elles sont. Leur richesse intérieure surpasse peu à peu leur course effrénée du gain et de la liberté (la liberté reste un objectif qu’elles souhaitent toujours atteindre, mais ce qui les motive et les moyens de l’obtenir changent en même temps qu’elles et leurs perspectives), et, avec elles, c’est finalement la notion même de trésor qui se mue au gré de leur évolution.
En somme, une aventure palpitante dont les dangers et le sérieux des enjeux rendent les beautés qui la parsèment encore plus saisissantes et éclatantes. Au plaisir de me plonger très prochainement dans un autre de vos livres et de découvrir un nouveau pan de votre imaginaire !
Encore une fois un grand bravo à vous Mesdames, un énorme merci et à très bientôt ! Ahoy !