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Témoignage d'une lectrice de littérature lesbienne

| Chantal Trembley | Actualités

Témoignage d

Trouver un roman traitant d'homosexualité féminine dans ma jeunesse a été très difficile.

Je me rappelle de mon adolescence, jeune lesbienne de quatorze-quinze ans en quête de roman lesbien et de tout ce qui pouvait raconter une histoire lesbienne. J’écumais ma bibliothèque municipale de tous les titres que je pouvais trouver sur un internet naissant en France. Quelques sites lesbiens fournissaient des listes de romans, de films, de scoop de quelle star avait fait son coming-out… Armée de ma liste de titres de livres je passais en revue les fiches de recherches de la bibliothèque. J’ai pu tomber sur quelques titres comme Le puits de solitude de Radclyffe Hall. Je me rappelle mon désespoir de ne trouver que si peu de contenu lesbien. J’avais besoin de repères, de modèles, de vivre des histoires que je ne pouvais pas vivre par mon jeune âge, par mon manque de lesbiennes autour de moi. Ainsi j’ai lu l’intégralité des 4e de couverture de l’ensemble des livres écrits par une femme de la bibliothèque dans l’espoir de trouver des romans lesbiens. En vain.

Ce n’est pas un genre nouveau que l'homosexualité féminine, cependant nombre de personnes ne comprennent toujours pas l’intérêt des écrits lesbiens croisant tous les genres possibles de la littérature.

Comme toutes les lesbiennes, j’ai lu principalement des livres écrits par des hommes donnant leur point de vue d’homme sur le monde, l’amour, les femmes. J’ai dévoré des livres, de science-fiction, de fantasy, des romans historiques ou encore des polars mais mon appétit de lecture s’est tari par lassitude de ne lire que des livres androcentrés et andronormés, c’est-à-dire des livres écrits par des hommes avec leur vision du monde. J’irai plus loin qu’Alice Coffin sur ses choix de lecture car les livres écrits par des femmes sont trop souvent hétérocentrés, ou les femmes ne vivent hélas qu’à travers les hommes, leurs regards, leurs règles du monde.

La romance lesbienne est l’inverse de tout cela, c’est une écriture gynocentrée, se tournant vers les femmes, leurs besoins et désirs de lecture souvent en se détachant des normes patriarcales de notre société qui entachent notre culture. Je prends plaisir à lire des romans avec des femmes héroïnes et dont le centre d’intérêt principal n’est pas les hommes mais les femmes. Je peux me retrouver dans ces personnages inspirants et forts. Ce que vivent ces héroïnes, leurs sentiments, leurs doutes, leurs peurs, leurs colères je peux les partager car leurs vécus est proche du mien.

Quand bien même la littérature lesbienne est souvent déclassée et se retrouve dans ce que l’on appelle la littérature de gare, elle perdure car depuis des décennies – quand on repense aux pulp fictions lesbiennes - les lesbiennes demandent de la littérature qui leur parle, qui leur fait dévorer les livres, qui leur donne des nuits blanches.

Ainsi, les romans lesbiens ont donné ses lettres de noblesses à la littérature lesbienne, que l’on pense à Carol de Patricia Highsmith, ou encore à Thérèse et Isabelle de Violette Leduc sans parler de la prolifique autrice qu’est Sarah Waters. Alors oui souvent, des ami-e-s des collègues me proposent des lectures que je mets sur la pile de livres (qui ne diminue jamais) de romans ou essais en attente. Je les achète, je les regarde sur la pile et puis… Plus rien. Jusqu’à ce que je mette la main sur un roman lesbien qui, lui, n’a pas le temps de toucher cette fameuse pile.

Héléna Manenti

 

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