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Constance s’étira sur le canapé d’Isabella à l’odeur du café chaud lui chatouillant les narines. Elle étouffa un cri lorsque Virgil sauta sur ses pieds qui remuaient sous le plaid.
- Espèce de canaille ! Viens par ici.
Mais à peine fut-elle assise que le chaton s’échappa en bondissant loin d’elle. Elle secoua la tête amusée et bascula les jambes sur le côté. Ses pieds nus embrassèrent le carrelage gelé et elle frissonna.
- Vous avez froid ? Ceci devrait vous aider, annonça Isabella en lui tendant une tasse fumante.
- Merci, c’est gentil.
- Bien dormi ?
- Oui, comme une souche, avoua Constance en se passant une main dans les cheveux. Merci encore de m’avoir accueillie.
- Avec plaisir. Vous pouvez rester ici autant que vous voudrez.
Constance esquissa un sourire timide, troublée par cette femme aussi belle que généreuse. Elles avalèrent leur café dans un silence quasi religieux avant que Virgil ne se décide à gratter dans sa litière improvisée avec énergie. Isabella jetait de discrets et rapides coups d’œil à son invitée qui avait éveillé en elle, un intérêt certain.
- J’aimerais porter plainte, lâcha soudainement Constance.
- Je comprends, Germaine a besoin d’une leçon.
- Je me fiche de cette vieille folle. Je veux dénoncer mon proprio.
- Oh… C’est un homme influent et très apprécié par ici…
- Et ça lui donne tous les droits ? coupa Constance sans masquer son énervement.
- Bien sûr que non, reconnut Isabella d’un ton calme destiné à l’apaiser.
Espérant la faire changer, elle réfléchit à la meilleure manière de gagner un peu de temps. Elle reposa sa tasse vide sur la table basse et lui proposa de la raccompagner chez elle pour se changer et prendre quelques affaires. Constance, ne pouvant que constater son état, accepta sans rechigner. Elle demanda à ce que Virgil puisse rester en sécurité, ce que son hôte lui accorda bien volontiers.
La camionnette s’avançait lentement dans l’allée et sous ce radieux soleil, la maison paraissait bien inoffensive. Isabella coupa le moteur et se tourna vers sa passagère dont le regard restait fixé sur la porte entrouverte.
- Prête ?
- Allons-y, trancha Constance en quittant le véhicule.
Le claquement des portières provoqua l’envolée des tourterelles postées dans le mûrier platane jouxtant la maison. Les deux femmes cheminèrent côte à côte mais Constance marqua un temps d’arrêt avant de franchir le seuil. Elle inspira profondément et posa un pied à l’intérieur. Tout semblait calme excepté l’horloge du micro-onde qui clignotait frénétiquement. Isabella sur ses talons, elle se dirigea vers la chambre d’un pas hésitant. Son lit en bataille témoignait du cauchemar vécu la veille. Elle retrouva son téléphone dans les draps et malgré la batterie faible, elle envoya un message à son propriétaire exigeant qu’il rapplique au plus tôt. Elle ouvrit ensuite son armoire, choisit une tenue et disparut dans la salle de bain. Isabella entendit l’eau couler et en profita pour fouiner. L’occasion était trop belle pour la laisser passer même si après toutes ces années, ses chances de trouver quelque chose se réduisaient à néant. Elle se rendit au salon où, absorbée par ses recherches, elle ne prêta pas attention à la silhouette imposante qui se rapprochait d’elle jusqu’à ce qu’une odeur nauséabonde lui soulève le cœur.
- T’fais quoi ici toi ?
Surprise, Isabella sursauta en laissant échapper un petit cri. La main sur le cœur, elle poussa un soupir de soulagement en réalisant qu’il ne s’agissait que de Théodore.
- De quoi je me mêle ? Rentre chez toi !
Visiblement contrarié, le voisin caressa nerveusement son rat qui trônait sur son épaule poilue. Il fouilla la pièce du regard avant de revenir sur l’épicière.
- S’passe quoi ici ?
- J’ai pas le temps, bouge de là avec ta saleté de bestiole.
- T’vas faire des histoires ?
Prête à le rembarrer, Isabella dut néanmoins se contenir face à l’apparition de Constance. Cette dernière les observait tour à tour, sentant bien qu’elle interrompait quelque chose.
- Que faites-vous là ? demanda-t-elle à son visiteur impromptu.
- La porte était ouverte c’matin mais vous étiez disparue. L’est v’nue pas vrai ?
L’épicière lança un regard noir à Théodore qui ne n’avait d’yeux que pour Constance. Il changea son rat d’épaule en souriant niaisement.
- J’en ai marre de tous ces sous-entendus ! Vous allez me dire ce que vous savez et maintenant ! ordonna Constance.
- Théodore a une imagination débordante, intervint Isabella. Il pense voir des choses mais…
- Après ce que j’ai vu cette nuit, coupa Constance, je suis prête à l’écouter.
- Elle s’promène la nuit, l’aime pas les étrangers.
- Qui ? De qui parlez-vous à la fin !
- Du fantôme de ma tante, confessa Isabella les yeux humides. Enfin je crois…
Constance apprit ainsi que la tante d’Isabella, portée disparue en avril 1972, avait été retrouvée noyée dans la rivière après une mauvaise chute, à seulement deux kilomètres d’ici. Mais l’épicière n’acceptait pas les conclusions du légiste, sa tante connaissait la forêt comme sa poche, elle se montrait prudente et adroite, jamais elle n’aurait pu faire une telle chute mortelle, jamais. Touchée par sa tristesse, Constance s’approcha et posa une main amicale sur l’épaule d’Isabella qui peina à masquer un frisson.
- Pourquoi votre tante hanterait-elle cette maison ?
- Elle était très amie avec Madame Horn, elles se voyaient souvent et quand cette dernière est partie, elle a dû s’attacher à cet endroit. Peut-être attend-elle simplement son retour ?
- Et si ce n’est pas elle ?
- Il n’y a qu’un moyen de le savoir, affirma Isabella en soutenant le regard inquiet de Constance.
- T’vas faire des histoires, j’le savais.
- Rentre chez toi Ratatouille, le rabroua Isabella.
- L’doit pas rester là, ces choses là, ça doit partir, insista Théodore.
- Je dois savoir ce qui lui est arrivé, répliqua fermement l’épicière avant de se tourner vers la maîtresse de maison. Je vous en supplie Constance.
Emue et effrayée à la fois, cette dernière lui demanda ce qu’elle avait en tête. Lorsqu’Isabella lui proposa de passer la soirée sur place et tenter une séance de spiritisme, Constance se décomposa. Après son expérience de la veille, elle n’envisageait pas une seule seconde de passer une nuit de plus dans cet endroit. Pour l’épicière, c’était une aubaine de passer outre le barrage constant de l’ancien maire qui, jusqu’alors, l’avait empêchée de rester assez longtemps entre ces murs pour parvenir à ses fins. Constance allait décliner sa proposition quand une voix familière la devança.
- Il en est hors de question, gronda monsieur Horn les mains sur les hanches depuis le seuil de la porte d’entrée.
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A vos votes !
1) Soulagée par cette intervention, Constance en profite pour échapper à la requête d’Isabella tout en se promettant de trouver un autre moyen de lui venir en aide
2) Théodore intervient en provoquant le propriétaire et en lui demandant pourquoi, depuis des années, il refuse de pénétrer dans la maison.
3)
Isabella menace Horn de révéler une information capitale sur son épouse s’il l’empêche de communiquer avec sa tante.