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Une tasse fumante à la main, Constance se laissait émerveiller par les couleurs de l’aube et le chant matinal des oiseaux. De sa terrasse, elle apercevait le toit d’ardoise de son voisin et une idée germa aussitôt dans son esprit fatigué. Elle avala la dernière gorgée de café et se rua dans la cuisine où elle déposa sa tasse dans l’évier avant de saisir son sac posé négligemment sur le comptoir. Un petit tour de clé et voilà que le bas de sa robe flirtait avec la rosée du matin tandis qu’elle traversait les verts pâturages d’un pas décidé. Son regard accrocha la boîte aux lettres bancale et elle s’approcha pour y découvrir le nom de son voisin : Théodore Amiel. Tout un programme !
Constance s’immobilisa à quelques mètres de l’entrée pour observer la maison dont la façade nécessitait quelques travaux. Le lierre grimpait sur une large partie et emprisonnait les volets en bois marqués par l’usure du temps. La lumière qu’elle aperçut derrière les carreaux crasseux lui indiqua que son voisin était levé et malgré l’heure matinale, elle frappa à sa porte.
L’attente lui parut interminable au point de la pousser à renouveler son geste. Elle entendit alors une sorte de grognement et préféra reculer d’un pas. Elle serra son sac contre elle comme si cela pouvait la protéger de ce qui se trouvait derrière cette porte dont le grincement sinistre lui hérissa les poils.
- Bah ma p’tite dame, on est tombé du lit ! lança un grand gaillard aux cheveux hirsutes et un torchon à la main.
Vêtu d’une salopette maculée de tâches de graisse et d’une paire de bottes boueuses en caoutchouc, Théodore la fixait avec curiosité.
- Excusez-moi, je suis matinale. Je me présente, Constance Galon, votre nouvelle voisine.
- Vous n’êtes pas une fille d’la campagne vous.
- Pas vraiment, avoua-t-elle avec un sourire gêné.
- Entrez, il fait encore frais à c’te heure.
L’homme s’écarta pour lui ouvrir le passage, bras tendu pour l’inviter à entrer. Constance réalisa soudain qu’elle allait pénétrer chez un parfait inconnu, seule, sans âme qui vive à proximité. Elle pria pour ne pas finir enchaînée au fond d’une cave…
Prenant son courage à deux mains, elle franchit le seuil de la maison pour se retrouver dans… ce qui devait être à l’origine une cuisine mais qui ressemblait davantage à une décharge. Son voisin avait-il le syndrome de Diogène ? Elle se cala dans un coin tandis que son hôte refermait la porte derrière lui.
- Je n’ai pas eu le temps de ranger, expliqua Théodore sans manifester la moindre gêne.
Il extirpa deux chaises de tout ce fatras et invita Constance à prendre place. Elle le remercia d’un signe de tête et s’installa à contre cœur sur le coussin tâché.
- Vous vivez ici depuis longtemps ? lui demanda-t-elle en prenant soin de rien toucher.
- J’suis né ici. Café ?
- Non merci, je viens d’en boire un.
Entre la poussière et les toiles d’araignées, les piles de livres et autres objets, Constance mourrait d’envie de prendre ses jambes à son cou ! Cependant, son besoin de réponses lui donna la force nécessaire pour poursuivre.
- Je me demandais si vous aviez connu les anciens locataires de monsieur Horn ?
- Vous aimez les rats ?
Décontenancée par cette réponse qui n’avait aucun lien apparent avec sa question, Constance étira les lèvres dans un semblant de sourire.
- Pas vraiment non… Je disais donc, reprit-elle mal à l’aise, les anciens locataires…
- Je vais vous présenter Fairky, la coupa-t-il à nouveau.
Soit il se moquait ouvertement d’elle, soit il n’avait pas la lumière à tous les étages. Méfiante, Constance le suivit des yeux tandis qu’il déplaçait une pile de vieux journaux poussiéreux. Il déposa alors une cage sur la table renfermant un rat albinos dont les moustaches frétillaient tandis qu’il humait dans sa direction.
Pas ça…
- Vous voulez le prendre ?
- Non ! répondit-elle brusquement en bondissant de sa chaise.
Son voisin ouvrit la cage et plongea la main à l’intérieur. Le rongeur remonta le long de son bras pour se caler sur son épaule.
- Il est gentil vous savez.
- Je n’en doute pas une seule seconde, répliqua Constance le cœur au bord de l’explosion. Mais je ne suis vraiment pas à l’aise avec ce genre de bestiole.
- Hmmm…vous devriez prendre un chat.
Toujours cramponnée à son sac, Constance s’encourageait mentalement pour ne pas détaler. Tant que son voisin restait loin d’elle, ça irait, elle pourrait gérer.
- Je vais y penser… mes prédécesseurs en avait un ? tenta-t-elle.
- Non, mais ils auraient dû.
- Pourquoi ? Il y a des rats chez moi ?
- P’tet bien. Mais la dernière fois que j’suis passé, je n’ai trouvé qu’lui, répondit Théodore en caressant la tête de Fairky.
- Donc vous avez rencontré les anciens locataires. Vous les connaissiez bien ?
- Sont pas restés assez longtemps… comme les autres.
- Vous savez pourquoi ? insista Constance sans quitter le rat des yeux.
- A cause d’elle… Vous aimez les champignons ?
Mais non ! Il avait visiblement décidé de jouer avec ses nerfs ! Prenant une grande inspiration, elle tenta d’ignorer la longue queue du rongeur et les réponses décalées de son propriétaire.
Tiens bon ma vieille.
- Non, je n’aime pas les champignons, confessa-t-elle avec un sourire dans l’espoir de ne pas le contrarier. Vous avez dit « à cause d’elle », de qui parlez-vous ?
Si une femme était responsable du départ des anciens locataires, pourquoi son propriétaire lui avait-il menti ?
- Ils finissent tous par fuir… un vrai défilé… C’est l’heure d’aller nourrir les bêtes ! lança joyeusement son voisin.
- Mais… monsieur Amiel, s’il vous plaît, de qui parlez-vous ? Combien de locataires ont fui ? Pourquoi ?
Le regard de Théodore s’assombrit soudainement en se posant sur elle et son sourire s’effaça. Les yeux rouges du rat la fixaient à présent et ce duo détonant l’effraya.
- J’les entendais parfois crier d’ici les bougres… y en a même un qu’a détalé comme un lapin dès la première nuit ! On s’demande bien au village combien de temps vous allez tenir.
Constance, assaillie de sueurs froides, déglutit péniblement tout en calculant la distance qui la séparait de la sortie.
- La chatte d’la Germaine a eu des p’tits, ajouta Théodore en replaçant le rongeur dans sa cage. Allez en chercher un si vous comptez rester dans c’te maison. Conseil d’ami.
- J’en prends bonne note, assura Constance paniquée par les yeux hagards de son voisin se posant sur elle.
Pourquoi Amiel refusait-il de s’étaler au sujet de cette femme mystère ? Pourquoi cette obsession de lui faire prendre un chat ? Pourquoi Horn lui avait caché les véritables raisons du départ des anciens locataires ? Que se passait-il par ici ? Ses pensées se bousculaient dans un vacarme assourdissant.
Les choix de la semaine :
1) Elle n’insiste pas et préfère rentrer chez elle pour faire des recherches sur la maison.
2) Elle part et poursuit son enquête à l’épicerie.
3) Elle insiste, bien décidée à repartir avec des réponses.
4)
Elle décide d’aller rencontrer Germaine.
(choix retenu cette semaine)